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Mardi 6 Mars 2012 :

 

Mélenchon : « Reprenons la Bastille ! »

Le candidat du Front de gauche sera ce soir au Parc expo de Rouen, pour développer son programme et lancer un appel à une marche militante, le 18 mars prochain en direction de la Bastille. Il a aussi prévu d'aller à la rencontre des salariés de notre région en lutte.

Dans quel état d'esprit venez-vous à Rouen ?

« C'est un moment important. Ce meeting nous permet de lancer une nouvelle phase de notre campagne, dans laquelle nous allons nous concentrer sur les questions essentielles qui concernent le partage de la richesse, et le passage à la Sixième République. Le débat sur les institutions n'a-t-il pas été relancé par notre adversaire M. Sarkozy et par notre concurrent M. Hollande ? Je lancerai à Rouen l'appel pour notre marche du 18 mars afin de « reprendre la Bastille » à Paris. Ce sera un événement national tout à fait inédit. Du jamais vu ! »

Que vous inspire le ton de cette campagne, qui s'est sensiblement durci ?

« Je pense qu'il y a une grande exaspération dans le pays, et que les deux favoris des sondages l'ont sous-estimée. Elle leur revient à tous les deux dans la figure et chacun y répond avec beaucoup de fébrilité. Par exemple, le président Sarkozy réagit par une droitisation de son propos. Du côté de M. Hollande, on observe une surenchère que nous croyons positive puisqu'elle va dans notre sens, sur le partage des richesses.

Cette campagne sera nécessairement riche en rebondissements parce que la principale caractéristique du moment que nous vivons est sa volatilité. La très grande majorité de nos concitoyens, ne se réfère plus à aucune étiquette de parti, tant son désarroi est grand. Les gens cherchent leur chemin et par conséquent leurs réactions sont assez largement imprévisibles ».

La campagne semble s'être focalisée sur un duel entre MM. Hollande et Sarkozy. Quelle place pouvez-vous y prendre ?

« C'est la première fois qu'une réalité virtuelle remplace la réalité. Les sondages fabriquent cela. Ils déplacent tous les deux en tête et M. Hollande y devance le président sortant qui se retrouve dans la position du challenger. Donc l'un et l'autre ont des comportements biaisés. Dans ce schéma, j'observe toute cette agitation d'un assez bon oeil, car à chaque fois elle nous ouvre des espaces nouveaux : regardez par exemple comment l'agitation de M. Sarkozy qui extrême-droitise son propos facilite notre travail puisque maintenant, lorsque nous attaquons Mme Le Pen sur ses idées, on repousse en même temps le président sortant. Donc je ne vois pas dans cette situation une difficulté, mais plutôt une opportunité ».

Un mot sur vos démêlés avec la famille Le Pen...

« En fait je m'amuse. La droite comme la gauche, dans une espèce de sidération, regardaient Mme Le Pen faire son marché électoral et il lui donnaient tous les brevets de respectabilité qu'elle demandait. Cela ne pouvait plus durer. J'ai donc décidé d'enrayer sa petite mécanique de dédiabolisation, et elle a commis une erreur considérable en refusant de dialoguer avec moi. On a le sentiment que sa campagne a buté sur un imprévu, qui a montré une querelle interne au Front national : lorsque Mme Le Pen prend l'initiative d'une sorte de duel de substitution, il me propose le contraire de ce qu'a fait sa fille. Lorsqu'il dit : vous vous attaquez à une femme, il a une manière très machiste de rabaisser le sens de sa candidature... »

Vous venez dans une région particulièrement touchée par la désindustrialisation. Quelle mesure mettriez-vous en oeuvre pour inverser la tendance ?

« Je suis venu chez Petroplus et M-Real. Mais commençons par dire que c'est une bonne nouvelle que tout le monde commence à se soucier de cette question. Deuxième point, ce n'est pas une mesure qui règle le problème mais un ensemble de mesures et, j'ajoute, une méthode d'ensemble. C'est pourquoi les gadgets du genre un label « production française » de M. Bayrou, ne peuvent pas être considérés comme une réponse sérieuse à un problème de cette dimension. Nous, nous proposons de revenir aux fondamentaux, c'est-à-dire de partir des besoins et de nous inscrire dans un cadre prévoyant qui s'appelle la planification écologique. En définissant les besoins, on décide où mettre l'argent et, à partir de là, les autres mesures s'emboîtent : les relocalisations, les visas sociaux et environnementaux aux frontières de l'Europe et, sinon, de la France, le pôle public financier qui vient à la rescousse des entreprises... En fait, les deux notions-clés pour moi sont définanciarisation de l'économie et planification écologique. Et je suis particulièrement heureux de pouvoir développer cela quand on parle de Petroplus et M-Real parce que dans ces deux entreprises, les travailleurs ont développé des projets alternatifs à contenu écologique ».

Pour rester dans le domaine de l'environnement, quelle est votre position sur le projet d'EPR à Penly ?

« Notre proposition est la suivante : premièrement donner un horizon de conquêtes techniques et technologiques qui aident à sortir des énergies carbonées. C'est un immense défi et de très nombreux emplois. Deuxièmement, concernant le nucléaire, il ne faut pas tourner autour du pot : ou c'est dangereux, ou ça ne l'est pas. Mais si on estime que c'est dangereux, alors ça l'est à la première centrale. Si ça ne l'est pas, alors il n'y a aucune raison de se priver du recours à cette énergie. J'ajouterai : appliquons ce qui avait déjà été proposé par la gauche en 1981 et faisons un référendum.

Celui-ci ne fera changer personne d'avis, mais nous permettra d'avoir une décision ancrée dans une légitimité populaire ».

Le Grand Paris... Y voyez-vous un intérêt ?

« Je vais vous faire une réponse de Normand : je m'en remets aux élus locaux. Maintenant, je pense que l'aménagement du territoire et la planification du développement sont de bonnes choses ».

Propos recueillis par Frank Boitelle

(Havre libre)

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