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Mercredi 29 Février 2012 :

 

Éditorial

Balades d'Irlande et d'ailleurs

Par Patrick Apel-Muller

Les Irlandais auront le droit de voter. Sur cette île qu'ont battue les vents et les ressacs libéraux, une parcelle de démocratie suivit à la vague autoritaire lancée contre les Européens. Le nouveau traité faisant primer la discipline budgétaire sur tous les autres droits dans l'Union sera soumis à un référendum. Cette décision rendue publique hier par le premier ministre Enda Kenny jette une lumière crue sur le refus de Nicolas Sarkozy de donner la parole au peuple sur un texte qui ampute les souverainetés nationales au profit d'une règle édictée par les marchés financiers. Échaudé par le précédent de 2005 sur le traité constitutionnel, le favori du Fouquet's n'admet de consultation que pipée. Aujourd'hui, dans notre édition (page 22), quelque 200 personnalités lancent un appel pour que le peuple décide. Malgré l'adoption du mécanisme européen de stabilité (MES) par un Parlement honteux, l'exigence d'un débat au grand jour va hanter la vie politique nationale et ses campagnes électorales. Le Parti socialiste n'en sera pas quitte non plus. La posture de Ponce Pilate, ici s'abstenant et laissant faire les élus ultralibéraux, n'emporte ni la foi ni la conviction.

« Il faut refuser les mécanismes de sanction, de punition des peuples européens et exiger une maîtrise publique des banques », ont martelé hier, à Paris, des responsables grecs, portugais, allemands et moldaves du Parti de la gauche européenne, réunis autour de son président, Pierre Laurent. Celui-ci s'est gaussé de l'argument du président français sur la trop grande complexité d'une interrogation du peuple : « La question tient en quelques mots : "Approuvez-vous le traité qui vient d'être négocié ? Oui ou non ?"»

Les salariés de l'ensemble des pays de notre continent, mobilisés par le CES, commencent à voter aujourd'hui par leurs luttes, leurs grèves ou leurs défilés. Une telle unanimité de syndicats aux histoires et cultures différentes devrait sonner comme une alarme pour les dirigeants européens. Les peuples ne se laisseront pas mettre en coupe réglée. Les secousses seront brutales.

Il n'est pas fréquent non plus d'assister, en France, à des actions intersyndicales à l'échelle nationale, à la veille d'élections présidentielle et législatives. Elles constituent des interpellations vives aux candidats. Les sondages confirment le puissant rejet du président sortant et, à cette heure, le choix de François Hollande comme un moindre mal. Mais ni l'un ni l'autre ne suscitent l'adhésion à des projets dont on distingue trop mal les différences. On sent bien que la dynamique enregistrée par le Front de gauche et son candidat Jean-Luc Mélenchon fait bouger certaines lignes à enregistrer les cris d'orfraie poussés à droite devant la nouvelle tranche d'imposition à 75 % à laquelle s'est rallié le candidat socialiste. Voilà que le spectre des immigrés de Coblence est à nouveau agité par leurs amis UMP devant une proposition somme toute timide. Mais on est loin du compte. À choisir le surplace, à ne parier que sur l'effet de rejet suscité par ce quinquennat, le candidat socialiste risque l'enlisement. Michel Foucault écrivait : « Le malheur des hommes ne doit jamais être un reste muet de la politique... »

(l'Humanité)

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