> Presse  —>Quand les ouvriers l'ouvrent

 

Lundi 27 Février 2012 :

 

Éditorial

Quand les ouvriers l'ouvrent

Par Michel Guilloux

Il pourrait paraître aller de soi que la question sociale et l'avenir industriel du pays soient au coeur du débat politique, et encore plus à quelques semaines des élections présidentielle et législatives. Et pourtant, cela ne l'est pas. Pas plus que les premiers intéressés montent sur le devant de la scène. Fralib, Arkema, M-Réal, Lejaby, Pétroplus, ArcelorMittal, Still, Merk, Hélico-Corbeil... ces noms d'entreprises font irruption en pleine période électorale. Leurs salariés en lutte incarnent l'efficacité économique face à la rapacité de leurs propriétaires. Ces hommes et ces femmes sont l'esprit de résistance face à celui de capitulation devant les diktats de la rentabilité financière. Les noms de leurs entreprises sont devenus synonymes d'autant de combats collectifs porteurs de l'intérêt général.

Que les ouvriers, en première ligne dans la création des richesses comme dans le saccage de leur outil de production, ne baissent pas la garde le temps d'une élection présidentielle est inédit. Une leçon commence à être tirée : il ne peut y avoir de parenthèses pour les luttes, et encore plus lorsque les mauvais coups s'abattent comme grêle. Au saccage patronal s'ajoute une relance de l'offensive antisociale du gouvernement : hausse de la TVA, pseudo-« accords compétitivité-emploi » imposés par la loi visant à museler les salariés et, à terme, à remettre en cause le rôle et l'existence mêmes de leurs syndicats. Autant de mesures qui, ajoutées à la politique menée depuis cinq ans, augurent de la loi d'airain qui s'abattrait sur le monde du travail en cas de réélection du président des riches. Sans oublier le traité Sarkozy-Merkel visant à museler les représentations nationales.

Et il faudrait rester l'arme au pied à suivre les courbes des sondages en n'attendant le verdict des urnes ? Comme le déclare à l'Humanité Bernard Thibault : « L'élection ne va pas tout résoudre. Il faudra de toute façon amplifier le rapport de forces dans les prochains mois. Tout responsable politique sera sous pression du patronat. À nous de ne pas laisser cette pression s'exercer sans jouer notre rôle. » Plus nombreux seront les salariés à partager ce point de vue, plus le monde du travail se dotera des garanties de ne pas avoir trahis ses espoirs après avoir contribué à la défaite de cette droite qui malmène le pays depuis dix ans maintenant. Il n'y a par là confusion des rôles mais conclusion conséquente sur les illusions et méfaits de la délégation de pouvoir.

La droite veut tirer profit de la crise sans précédent du système capitaliste pour atomiser les droits des travailleurs, quitte à emmener le pays encore plus dans le mur. Avec la mobilisation historique contre la casse de la retraite à 60 ans, les luttes en cours exigent du répondant à gauche à la hauteur des enjeux de civilisation qu'il faut opposer au culte aveugle du veau d'or des dividendes. Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, rappelait hier à Paris, devant les étudiants communistes, la démarche du Front de gauche, celle d'« une mise en mouvement d'une majorité agissante autour d'objectifs de transformation progressiste ». Les deux mois qui viennent peuvent être ceux d'une mise en oeuvre, inédite elle aussi, de ce nouveau rapport à la politique qui ambitionne de se construire là, autour de son candidat à la présidentielle, ceux présentés aux législatives et avec les premiers intéressés même. Et au-delà des élections.

(l'Humanité)

  haut de page