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Dimanche 26 Février 2012 :
Retraites : une illustration de la logique du traité merkozy Par Francis Wurtz (1) La Commission européenne a publié, le 16 février dernier, un livre blanc sur les retraites. Un livre blanc est un document qui énonce des idées et formule des propositions susceptibles de donner lieu, par la suite, à des directives, autrement dit à des lois européennes. Cela vaut donc la peine d'y regarder de près... Certes, le choix des systèmes de retraites relève de la responsabilité de chaque État, et non de l'Europe. Mais, rappelle la Commission, le traité de Lisbonne « exige de l'Union européenne qu'elle soutienne et complète l'action des États membres dans le domaine de la protection sociale ». Ce livre blanc vise donc à préciser dans quel sens la Commission Barroso entend « soutenir et compléter » les « réformes » déjà entreprises sur le plan national, comme ce fut le cas en France en 2010. Car, à la Commission, on en est convaincu : « il est nécessaire que des mesures supplémentaires soient prises, sans attendre. » (!) L'on peut résumer l'approche de l'exécutif bruxellois, en matière de « modernisation des régimes de retraite » en trois axes essentiels. Le premier (qui en doutait ?) vise une fois de plus à « relever l'âge de la retraite ». Cet objectif, lui, semble valable partout, mais, magnanime, la Commission laisse à chaque pays le choix des moyens. Soit, comme en France, « en augmentant le nombre d'annuités requis pour obtenir une pension complète » ; soit, comme au Portugal, en établissant « un lien entre le niveau des prestations de retraite et les augmentations de l'espérance de vie » ; soit, comme en Allemagne, en faisant « dépendre le niveau des prestations de l'équilibre financier du régime de retraite ». La préférence de Bruxelles va à un mix de ces différentes recettes, ce qui compte avant tout à ses yeux étant que les pensions de retraite soient payées de plus en plus tard. Le deuxième axe des « propositions » de l'Union européenne est « l'égalisation des âges ouvrant droit aux prestations pour les femmes et les hommes ». Voilà une « disparité » insupportable à la sensibilité de la Commission Barroso ! Cette égalisation « devrait être réalisée dans les plus brefs délais », rappelle-t-elle aux rares pays ne l'ayant pas encore accomplie ni programmée (la Pologne, modèle en la matière, vient de décider de faire passer, d'ici aux années 2020, la retraite des femmes de 60 à... 67 ans, rejoignant ainsi l'Allemagne, pionnière sur ce terrain !). L'âge de départ à la retraite est ainsi l'un des rares domaines – à la différence de celui des salaires – où l'UE agit résolument pour une harmonisation par le haut entre les genres comme entre les pays ! Troisième axe du livre blanc : la généralisation des systèmes privés d'assurance, l'« épargne retraite privée » visant à « s'assurer un revenu de retraite adéquat ». La Commission préconise carrément des « incitations fiscales visant à favoriser les régimes de retraite par capitalisation » (demandez donc aux Britanniques ce qu'ils en pensent...). On le voit : la logique libérale est implacable. Vous y mettez le doigt, et tout le bras y passe. Plus vous cédez à ses pressions, plus elle accentue son emprise. Certes, à ce jour, il ne s'agit que de « recommandations ». Mais la Commission prévient : dans le contexte (apparemment providentiel) de la « crise de la dette », de la nécessité de réaliser « des économies budgétaires », et de la décision du Conseil européen des chefs d'État et de gouvernement de « renforcer la coordination des politiques économiques », les réformes des retraites « doivent faire l'objet d'une étroite surveillance » (de sa part). Un citoyen prévenu en vaut deux ! Voilà une illustration concrète de ce que nous réserverait le nouveau traité européen imaginé par le couple infernal Merkel-Sarkozy. Le « non » du Front de gauche à ce projet mortifère signifie : rompre cet engrenage et construire du neuf en Europe sur la base de « l'Humain d'abord ». (1) Député honoraire du Parlement européen. (L'Humanité Dimanche)
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