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Lundi 20 Février 2012 :
Éditorial Le peuple n'est pas sans mémoire Par Jean-Paul Piérot Était-ce bien le même homme, celui qui se proclamait, hier à Marseille, « candidat du peuple de France », que celui qui, il y a cinq ans, au Bourget, se paraît du titre de « candidat du pouvoir d'achat » et de « la France qui se lève tôt » ? Était-ce un opposant au président en place, prononçant un réquisitoire contre les promesses piétinées pendant tout un quinquennat ? Ce serait si simple pour un président candidat, décrédibilisé sans doute comme jamais jusqu'alors dans l'histoire de la Ve République, s'il avait face à lui un peuple sans mémoire. Des électeurs qui auraient oublié que le prétendu « candidat du peuple » ne fut que le président du people, qu'il fut moins le président de l'action que le président des actionnaires, qu'il fut bien moins le président de la richesse (que l'on peut équitablement partager) que le président des riches, qui ont raflé la mise. Tout cela, les Français ne l'ont pas oublié et, singulièrement ceux qui, dans les milieux populaires, avaient accordé un certain crédit au discours « volontariste » d'un candidat exaltant, le temps d'une campagne, la France des usines et que l'on retrouva au Fouquet's au milieu d'une brochette de milliardaires. Un moment d'égarement que ce pied de nez à la France qui souffre ? Les mois et les années qui suivirent nous apprirent qu'au Fouquet's ou ailleurs, Sarkozy et le monde de l'argent ne se sont jamais quittés. Un tel passif plombait d'emblée l'exercice de l'orateur, qui a infléchi son discours franchement à droite, et même extrêmement à droite. Cet extrême droitisation se retrouve dans cette opposition démagogique entre le peuple et les « corps intermédiaires », parmi lesquels les adeptes de Maurras ont toujours rangé pêle-mêle les représentations électives, les fonctionnaires, les partis et les syndicats... Elle transpire dans sa sortie contre les « minorités », coupables de prendre le peuple « en otage » lors des conflits sociaux. Tout se passe comme si le président avait comme principal objectif de rassembler tous les conservateurs et réactionnaires de tout poil en réactivant leurs réflexes antisociaux, contre les 35 heures ou la retraite à 60 ans. Nicolas Sarkozy s'est posé en fait comme le candidat du peuple de droite. Il n'est pas sûr que l'opinion publique accueille avec la même euphorie que le public trié sur le volet dans le parc Chaneau, l'apparente et fausse conversion du président sortant à la valeur – le mot est à la mode – de la souveraineté populaire. Lui qui a contourné le vote des Français sur le traité européen et s'apprête à faire approuver par sa majorité parlementaire un nouveau texte qui réduit la souveraineté de la France veut dans l'avenir « rendre la parole au peuple ». Sur les retraites ? Sur le temps de travail ? Va-t-il reconnaître le droit de référendum d'initiative populaire ? À la vérité, Nicolas Sarkozy se livre à un médiocre coup politique pour tenter d'échapper au jugement des citoyens sur un bilan jonché de promesses non tenues et obscurci par le million de chômeurs supplémentaires. Les sidérurgistes de Florange et de Gandrange en connaissent un rayon, qui ont été abandonnés par Nicolas Sarkozy aux méfaits d'un groupe prédateur et qui entendent bien se faire entendre dans cette campagne pour remettre les imposteurs à leur place. (l'Humanité)
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