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Jeudi 16 Février 2012 :
Éditorial Une couche réactionnaire après l'autre Par Patrick Apel-Muller Carla Bruni-Sarkozy, dans TV magazine, a fait part de sa déception à l'égard des médias : « Je regrette que le journalisme d'opinion prenne de plus en plus de place, au détriment du journalisme d'information.» Et de trouver « insupportables, méprisantes » les critiques systématiques. On comprend mieux alors le choix de ses intervieweurs par Nicolas Sarkozy : il ne risque jamais d'être décoiffé. Hier soir, c'était, sur TF1, chez l'un de ses amis du Fouquet's, qu'il avait choisi d'annoncer sa candidature sans craindre d'être poussé sans ses retranchements par Laurence Ferrari qui l'approuvait de la tête. Vous parlez d'une surprise ! Comme si tout ce qu'il a fait ces dernières semaines ne ressortissait pas d'une campagne, appuyée par les moyens publics d'un président sortant. Son programme ? Il l'a exposé pour l'essentiel dans le Figaro Magazine et va rajouter, intervention après intervention, une couche réactionnaire sur la précédente. Ces rodomontades sur le capitaine habile à guider le vaisseau dans les flots furieux de la crise se fracassant sur les écueils de la réalité, l'hôte de l'Élysée a décidé de jouer du paradoxe comme d'une arme de brouillage. Ainsi, se prépare-t-il à tenir meeting ce soir à Annecy sous le slogan « La France forte ! », alors que sa soumission aux diktats d'Angela Merkel confirme à quel point il l'a abaissé. Il prétend mener campagne sur des valeurs, alors que celles qui le préoccupent véritablement son cotées en bourse. Le courage dont il se targue, c'est celui de voler les plus faibles au profit des plus riches, en désignant les premiers à la vindicte. Il confond délibérément son goût de l'exploitation avec un attachement au travail. Il prétend combattre le système quand il en est un produit achevé, dont la présidente du Medef, Laurence Parisot, fait la promotion. Ses porte-parole sont à l'image de sa trajectoire politique, d'un côté, la grande bourgeoisie grandie dans les ambassades et les porcelaines de Sèvres, Nathalie Cosciusko-Morizet (descendante, dit-on, de Lucrèce Borgia) ; de l'autre, Guillaume Peltier, sorti des rangs du Front national de la jeunesse, devenu factotum du vicomte de Villiers, avant de trahir son maître pour un plus puissant à qui il passe les plats de l'extrême droite. Tout cela ferait peuple, juge le candidat UMP, qui prétend faire appel lui alors qu'il a confisqué sa parole après le référendum de 2005. La candidature de Nicolas Sarkozy est sans surprise et ne présente aucun espoir pour l'immense majorité de la population. Il ambitionne un remodelage complet de la société française, une amputation de la souveraineté populaire réduite aux apparences et une déréglementation du travail qui balaierait les acquis du XXe siècle pour leur substituer le règne de la concurrence libre et non faussée de tous contre tous et du rien pour chacun. À ce régime-là, c'est tout le corps social qui s'affaiblit. Nous verrons donc des successions de coups, des petites et des grandes provocations, les émotions publiques attisées pour obscurcir les vrais termes des débats. Faisons le pari que cela ne suffira pas et que les citoyens échapperont au tête-à-tête des ego qui leur sera servi matin et soir pour envisager les changements profonds qui mettraient au pas les marchés financiers et les intérêts populaires au premier rang. (l'Humanité)
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