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Samedi 31 Décembre : 2011:

 

Questions À …

« Mettre la BCE sous contrôle démocratique »

Jean-Marie Harribey,

Professeur agrégé de sciences

économiques et sociales

et coprésident d'Attac.

 

Dix ans près son arrivée dans le porte-monnaie des particuliers, l'euro est en crise. Pourquoi ?

Jean-Marie Harribey. Il faut comprendre la crise de l'euro comme la traduction européenne de la crise du capitalisme mondial. Crise d'un régime d'accumulation du capital qui se heurte aujourd'hui à l'impossibilité de produire de la valeur travail qui soit monnayable et qui a cru trouver une parade ces dernières années dans la financiarisation de l'économie, la spéculation et l'endettement. Dans ce cadre, l'euro et la Banque centrale européenne (BC E) ont été mis au service exclusif de la globalisation du capital. La création monétaire avait été pratiquement réservée aux restructurations financières et absolument pas à l'investissement productif et donc à l'emploi.

Le statut de la BCE a-t-il contribué à cette crise ?

Jean-Marie Harribey. Avec la création de l'euro, il faut ajouter l'interdiction faite à la BCE de prêter aux États. Maintenant on sait pourquoi. Il fallait créer un marché privé des obligations publiques. Ce qui n'existait pas quand les États pouvaient emprunter directement auprès de leurs banques centrales à taux zéro ou pratiquement. Et l'on a vu se développer ce gigantesque marché sur lequel se développe une spéculation sur les bons publics... Un dernier élément : il y a eu également une stratégie de défiscalisation dans tous les États européens, tant sur le plan de la fiscalité progressive sur les revenus que sur la fiscalité pesant sur les bénéfices des sociétés. Avec à la clé une tendance structurelle à l'accumulation des déficits publics particulièrement aggravée quand il s'est agi de sauver les banques en 2007-2008.

C'est donc une conjoncture de politiques qui a conduit à la crise ?

Jean-Marie Harribey. Effectivement, on a la conjonction d'une austérité salariale qui a démarré dans les années 1980 pour faire remonter le taux de rentabilité du capital, d'une austérité monétaire dont je viens de parler et maintenant se profile une austérité budgétaire avec « la règle d'or » constitutionnalisée et des sanctions quasiment automatiques envers les gouvernements qui ne se conformeraient pas à ces dispositions. Tout cela conjugué fait la crise de l'euro.

Quelles sont, pour vous, les alternatives ?

Jean-Marie Harribey. Quatre propositions. La première : la socialisation de tout le secteur bancaire avec la mise sous contrôle démocratique de l'institution au sommet qu'est la BCE. Et ainsi retrouver la capacité de création monétaire et la mettre au service d'une politique véritablement sociale et écologique. Car il faudra des investissements massifs pour amorcer cette transition écologique que l'on pourra accomplir que si on maîtrise le levier monétaire. Deuxièmement, l'annulation de la partie de la dette publique que l'on peut considérer comme illégitime. Autour d'Attac s'est d'ailleurs constitué un collectif pour la réalisation d'un audit citoyen sur la dette publique. Troisième point, une réforme fiscale radicale remettant en cause le déclin de la progressivité et frappant les hauts revenus, la restauration d'une égalité de traitement entre petites entreprises et grandes sociétés qui, elles, ne paient pratiquement pas d'impôt. Quatrièmement, une revalorisation forte de la force de travail et des conditions salariales en instaurant progressivement un salaire minimum décent dans tous les pays européens et un revenu maximum pour en finir avec les écarts d'un à mille. Je pense que d'un à dix serait déjà un immense progrès dans les entreprises. Ces quatre propositions mettraient en échec les programmes politiques libéraux qui ne peuvent qu'aggraver la récession. Il n'y a pas d'exemples historiques où l'austérité ait permis de sortir d'une crise majeure... au contraire.

Propos recueillis par Max Staat

(l'Humanité)

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