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Mardi 27 Décembre : 2011:
Éditorial Pour faire l'événement Par Maurice Ulrich Ce n'est un paradoxe qu'en apparence. Alors que les marchés financiers semblent désormais conduire les affaires du monde, plus que jamais le monde a besoin de politique. Du côté du pouvoir, la cause serait entendue. De plan d'austérité en plan d'austérité, et il n'y a d'autres choix possibles que ceux mis en oeuvre par Nicolas Sarkozy au plan national et par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel en Europe. Pour motiver ses proches et ses ministres, Nicolas Sarkozy leur aurait d'ailleurs tenu le langage suivant lors d'un dîner mardi dernier : « Vous avez une chance formidable de vivre cette campagne. Ce moment, vivez-le avec passion ! Il y aura des places pour ceux qui auront combattu. » La belle ambition que voilà. Outre que ces mots ne sont pas d'un homme d'État mais d'un chef de clan, ils témoignent à leur manière de ce que la droite n'a pas d'autre programme que la poursuite de ce qu'elle a entrepris. La pression est forte, il est vrai, qui nie toute possibilité de changements réels et profonds. Au point que l'on nous présente les modifications autoritaires de la « gouvernance » européenne comme étant déjà ficelées, sans que l'on puisse y revenir. On le dit aux peuples et en l'occurrence au peuple de France, votez, mais votre voix ne compte pas. Comment nombre d'électeurs, et en particulier les plus jeunes, ne seraient-ils pas tentés de se désintéresser des enjeux du futur scrutin, si tout leur paraît joué d'avance ? De ce point de vue, François Hollande, s'il a évoqué la possibilité de revenir sur le traité européen version Sarkozy-Merkel, n'est pas plus clair pour autant en s'inscrivant, sur le fond, dans une logique de rigueur dans laquelle le social aurait la part congrue comme l'ont signifié ses récentes déclarations sur les retraites. Mais s'il y a dans l'opinion des sentiments d'impuissance, il y a aussi de la colère, il y a de l'indignation. L'une et l'autre sont légitimes, justifiées, nécessaires. Elles sont le moteur des luttes à mener contre ces politiques. Oui, « Nous sommes les 99 % », comme le disent les Indignés. Mais ces 99 %-là ne se retrouvent pas dans les urnes quand il faut décider du destin des pays. Certains ont ramené les droites au pouvoir et, dans nombre de cas, les extrêmes droites servent de dérivatif au mécontentement. C'est dire que ce n'est pas de casting de candidats dont nous avons besoin, mais de débat politique, de contenu. La question posée n'est pas qui, mais comment, pour faire quoi, avec qui ? Nous entrons, comme on le dit, dans la ligne droite avant le premier tour de l'élection présidentielle. Or, ce qui est clair, c'est que le débat politique dont le pays a besoin n'est pas à la hauteur. Occulté par les gesticulations du candidat président, brouillé du côté du PS, de François Bayrou qui prétend être au juste milieu, de quoi on se le demande, manipulé par le FN au profit de ses thèses xénophobes, il est à l'opposé de l'essentiel. Oui ou non, une autre politique est-elle possible ? Une vraie politique de gauche. Le Front de gauche et son candidat Jean-Luc Mélenchon s'emploient à mettre ces questions au centre de la campagne. On voit que ce n'est pas facile, d'autant que bien des candidats trouvent leur compte dans cette situation. Mais ce n'est pas le cas de tous ceux qui ne font pas qu'espérer un changement d'équipe mais qui ont besoin, concrètement, vitalement, de réels changements. S'ils ne sont pas les 99 % dans les urnes, ils peuvent être bien davantage que ce que disent les sondages d'aujourd'hui et bousculer le jeu, ouvrir le débat, changer la donne, faire l'événement. (l'Humanité)
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