> Presse  —> Les grands principes

 

Lundi 26 Décembre : 2011:

 

Éditorial

Les grands principes

Par Michel Guilloux

À chacun son Noël. Les souliers des banquiers ont débordé cette année. Pour eux, 2011 finit en beauté. Pensez donc, 500 milliards d'euros débloqués sans ciller par la Banque centrale européenne en ce début de semaine. Cinq cents milliards... et un joli rendement en perspective avec le jackpot des taux d'intérêt. Ce qui est possible pour les rapaces de la finance, déjà grassement renfloués voilà à peine deux ans, ne le serait pas pour les États ? Soeur sourire du CAC 40, lorsqu'elle était ministre de l'Économie de Nicolas Sarkozy, Christine Lagarde a endossé le costume de sainte Jeanne des abattoirs du FMI, simple changement d'échelle. Ses voeux de Noël sont éternellement simples. Il faut, dit-elle à la suite du couple Merkel-Sarkozy, placer les peuples et les Parlements européens sous la camisole de l'accord en cours – dont l'Humanité a révélé la teneur. Pour la directrice du Fonds monétaire international, cela se dit « parler d'une seule voix ». « Les investisseurs l'attendent. Les grands principes ne les impressionnent pas. »

Il aura fallu qu'une partie des « damnés des tarmacs » se rebelle pour que resurgisse, comme par magie, la notion de « service public », dépecé pan par pan par les commis des marchés qui nous gouvernent. L'expression est reprise par des patrons du secteur pour peser sur des salariés aux revenus étranglés et qui osent relever la tête, parce qu'ils n'ont rien à perdre. Étrange vertu brusquement trouvée dans un secteur soumis à la concurrence en cascade d'Aéroports de Paris avec la bienveillance d'un pouvoir néolibéral qui a cru saisir cette semaine de lutte et ce week-end de fête pour laisser cours à une nouvelle attaque contre un droit reconnu par la Constitution. Voilà un bien mauvais conte de Noël qui donne encore plus envie que la fin de l'an prochain soit écrite sans ceux-là qui saignent le pays et l'Europe.

S'il fallait déjà tirer une leçon de la belle grève des agents de sécurité des aéroports, ce serait bien celle des premières « concessions » que le patronat a dû lâcher. Preuve s'il en est qu'il existe des « marges de manoeuvre » salariales, pour peu que les intéressés se rassemblent pour les élargir au maximum. Voilà qui ne peut que constituer un encouragement supplémentaire pour les millions de travailleurs, à l'heure où les puissants qui plongent pays et continent dans une crise sans fond s'entendent entre eux pour la mise sous tutelle de budgets publics appelés à être encore plus étranglés. Que cela cesse au mitan de 2012 est un voeu que nous laisserons au week-end prochain...

En attendant, on retiendra la chaleur du combat commun. C'est à cette flamme que peuvent se réchauffer ceux à qui l'on veut tout ôter, des conquêtes sociales à la dignité la plus élémentaire. Elle est à l'unisson de ce dont rêvent des millions ces jours-ci, le rêve d'une vie meilleure, d'une parenthèse qui permet de se retrouver, en famille, entre amis, ensemble quand on n'a rien, grâce au dévouement de ces milliers de bénévoles pour qui le mot solidarité illumine des vies esseulées. Cette flamme a pour noms égalité et fraternité, sans quoi la liberté du triptyque républicain se résume à la tristement fameuse liberté du renard libre dans le poulailler libre. Seule chose qui intéresse les « investisseurs ».

Parce que les « grands principes », hein...

(l'Humanité)

  haut de page