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Vendredi 23 Décembre : 2011:

 

Éditorial

Complicité, duplicité

Par Maurice Ulrich

Recevant à déjeuner les sénateurs de la majorité, mercredi, le chef de l'État leur aurait paru, aux dires du Figaro, « extraordinairement mobilisé, combatif et déterminé » et prêt à gravir « l'Everest » que serait la campagne électorale. Encore un peu et l'on croirait s'être trompé de pays devant une telle exaltation des qualités d'un dirigeant. Mais, surtout, Nicolas Sarkozy leur a annoncé, sans autres précisions ,« quatre ou cinq propositions fortes » sur l'emploi, dont une amélioration du volet insertion du RSA. Enfin, relate toujours le Figaro, « les participants ont remarqué que Nicolas Sarkozy affichait une grande complicité avec le premier ministre, François Fillon, très souriant, lui soufflant des petits mots à l'oreille ». On dirait du Saint-Simon évoquant dans ses Mémoires des manières de roi et de courtisans.

La réalité est autrement plus brutale. Le candidat président visitait hier un centre logistique des Restos du cœur, mais, il y a tout juste deux jours, un projet de décret préparé par la ministre de Solidarités et de la Cohésion sociale, avec l'aval du premier ministre, était présenté aux administrateurs de la Cnaf (Caisse nationale des allocations familiales), retiré de l'ordre du jour devant l'émotion suscitée, avant de revenir sûrement par une autre porte. Complicité du chef de l'État et du premier ministre, c'est peu dire. Duplicité serait le mot le plus juste. Quand ils feignent de se préoccuper des plus démunis, quand ils parlent d'améliorer le volet insertion du RSA, Nicolas Sarkozy et le gouvernement préparent des sanctions qui pourraient aller dans certains cas jusqu'à amputer de 80 % le chiche revenu des allocataires !

On comprend mieux, rétrospectivement, les sorties du ministre Laurent Wauquiez, qui a le front de se présenter comme l'un des représentants de l'aile humaniste de l'UMP, qualifiant en mai dernier « l'assistanat » de « cancer de la société »,le stigmatisant les quelque deux millions de Français les plus modestes, les plus démunis. C'était odieux. C'est odieux et cynique mais c'est, de plus, une véritable manipulation. Qu'est-ce que cela veut dire, l'amélioration du volet insertion du RSA, quand le chômage est reparti de plus belle, quand la France est entrée en récession et que les plans d'austérité à répétition du gouvernement ne font que l'entraîner davantage dans une spirale dépressive pour l'emploi, l'industrie, la consommation ? Nicolas Sarkozy, comme François Fillon, n'en doutons pas, en sont parfaitement conscients. Ils savent que, dans leur masse, les allocataires du RSA ne retrouveront pas de véritable travail. Alors, sous une forme ou une autre, on va leur préparer un programme de travaux contraints, qui ne seront en aucune manière un chemin vers l'emploi ou le retour à l'emploi, mais le prétexte justifiant les sanctions. Leur politique c'est : le RSA ou comment s'en débarrasser.

Et ce n'est pas la perspective que nous avons dévoilée pour l'Europe qui va infirmer cette logique. Hier, toujours dans le Figaro, plus que jamais ces temps-ci l'organe central de la droite, c'est un expert, l'ancien chancelier Gerhard Schröder, qui saluait les réformes de Nicolas Sarkozy « qui vont dans la bonne direction », à savoir celle qu'il avait prise lui-même dès 2003. Et que résume ainsi l'éditorialiste du quotidien : « Réforme du marché du travail, réforme du système de santé, réforme des retraites. Bref, une révision à la baisse de l'État providence. » Plus précisément, une mise à la casse d'un modèle social dont l'Europe Sarkozy-Merkel ne veut pas.

(l'Humanité)

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