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Lundi 19 Décembre : 2011:

 

Éditorial

Fatalitas...

Par Michel Guilloux

Remboursez et mourez. Voilà à quoi se résument les procédures en cours à l'encontre des travailleurs victimes de l'amiante. Un an de smic en moyenne, c'est ce qui est demandé à des salariés infectés par la poussière cancérigène. Et s'ils ne sont plus là, les huissiers s'en prennent à leurs veuves, amenées à rembourser des indemnisations qui n'ont pas été versées à ce jour... À l'un des plus grands scandales de santé publique, qui n'a été mis au jour que grâce à l'opiniâtreté des intéressés, de leurs familles, de l'association qu'ils ont créée, des syndicats qui les ont soutenus, des journaux qui relayent leur combat, dont l'Humanité s'honore d'être, vient s'ajouter une honte publique. Au-delà de la chose jugée, les pouvoirs publics, l'État, le pouvoir, vont-ils abandonner ces hommes et ces femmes aux vies brisées mais

debout ?

À l'heure où certains dissertent sur le « made in France », d'autres osent prétendre se faire les porte-voix de cette France populaire frappée sans pitié au porte-monnaie. « Celle du médecin généraliste qui voit son statut social se dégrader depuis vingt ans, du cadre qui peine de plus en plus à trouver sa place dans l'entreprise, de l'agriculteur dont la vie dépend de quelques spéculateurs, de l'ouvrier à qui l'on demande toujours plus d'efforts de productivité et qui vit dans l'angoisse d'une délocalisation, de l'habitant de banlieue ou du rural qui se sentent abandonnés. » Celui qui s'exprime ainsi dans les colonnes du Parisien, dimanche, n'est autre qu'Henri Guaino. Le porte-plume du chef de l'État rejoue la partition de 2007. Le disque est rayé et l'énumération devient acte d'accusation de la réalité de la politique menée depuis. Et vouloir faire penser que cette « France du non », comme il le dit, n'aurait de choix qu'entre une Marine Le Pen qui insultait voilà à peine un an les millions de manifestants de toutes générations contre la casse du droit à la retraite, et un Nicolas Sarkozy, qui initia cette dernière et entend accélérer tous azimuts s'il est réélu, c'est tendre une ficelle un peu grosse.

Le couac est d'autant plus audible si l'on s'en tient à la poursuite de la destruction de l'école publique, avec ses milliers de suppressions de postes encore annoncées ce week-end. Il est aisé de verser des larmes de crocodile quand sa politique a conduit, par exemple, en dix ans, à diviser par trois l'accès à la maternelle des enfants de deux à trois ans. Par tous les bouts, l'avenir de la France est ainsi miné. À propos de dette et du « on n'y peut rien » sauf à accepter la loi de la superaustérité et la dictature des marchés financiers, pour une fois, on ne rappellera pas les profits des groupes du CAC 40. En fin de semaine, l'Insee a indiqué que les fonds propres des entreprises françaises s'élevaient en 2010 à l'équivalent de vingt et une années de budget de l'État. On ne peut donc rien pour les veuves de l'amiante, ni pour les salaires et l'investissement, ni pour l'éducation...

(l'Humanité)

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