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Dimanche 18 Décembre : 2011:

 

Prouver une maladie pro, un parcours du combattant

Gérard Filoche, inspecteur du travail.

Sarkozy avait promis la prise en compte de la « pénibilité » au travail dans son sinistre choix d'allonger la retraite à 62 et 67 ans. Promesse, comme d'habitude, qui n'engage que lui : ce type-là n'a jamais souffert d'une posture pénible (à part celles qu'il nous impose). Les troubles musculo-squelettiques (TMS) constituent pourtant 85 % des maladies professionnelles, coûtent officiellement 787 millions d'euros et près de 8,5 millions de journées perdues par les entreprises », selon le ministère du Travail. Doigts bloqués qui ne permettent plus d'utiliser un clavier, poignets paralysés au point de ne plus pouvoir se servir d'un tournevis, rotules usées qui interdisent de s'agenouiller, etc., avec l'actuelle dégradation et l'allongement des durées du travail, le nombre de TMS augmentent de 18 % par an depuis 10 ans.

Les TMS affectent le poignet et la main (45 %), l'épaule (32 %), le coude (19 %) ; les lombalgies et autres cervicalgies ne sont pas comptées dans les statistiques. À la veille de l'élection présidentielle, Sarkozy a enjoint à son ministre Xavier Bertrand de voir ce qu'il pouvait faire. Il avait été d'abord question d'affichage, de campagne d'information, mais « proposer à leurs salariés exposés à des facteurs de pénibilité un aménagement pour la fin de leur carrière » n'est pas trop dans le style spontané des employeurs. Mme Parisot n'aime pas le

« mal au dos », elle l'a souvent dit, ça n'arrive quasiment qu'à des « paresseux », n'est-ce pas ?

Alors, le 4 novembre 2011, ils ne se sont pas embarrassés, ils ont modifié le tableau des maladies professionnelles, article n° 57 : les maladies devront désormais être confirmées par une « imagerie par résonance magnétique ». Les victimes devront réaliser cet examen coûteux et consulter des médecins spécialistes en secteur 2 pas toujours enclins à réaliser des certificats médicaux. Une nouvelle liste de travaux très restrictive va entraîner une diminution des TMS reconnus. Dorénavant, pour entrer dans ce nouveau tableau de maladie professionnelle, il faudra, par exemple, avoir subi des « travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins 3 h 30 par jour en cumulé » (sic). Et il faudra le prouver devant « une commission spécifique qui examinera le lien entre l'incapacité et l'exposition aux risques professionnels ». Un parcours du combattant qui, à défaut de faire reculer la maladie, va diminuer substantiellement le nombre de salariés éligibles à un départ anticipé à la retraite.

Xavier Bertrand affirme que « pour le moment, ne sont concernés par ce décret que les TMS de l'épaule ». Bientôt ce sera le tour des rotules.

(L'Humanité Dimanche)

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