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Mardi 13 Décembre : 2011:
Éditorial Souvenirs d'une imposture Par Jean-Paul Piérot La mémoire est chose importante en politique. Il n'est pas sûr que les Français aient oublié l'activisme déployé par Nicolas Sarkozy, sitôt élu à la présidence de la République, pour faire ratifier à la hussarde aux parlementaires un texte rejeté par référendum deux ans auparavant. Les électeurs avaient voté « non » au projet de traité constitutionnel le 29 mai 2005, on leur imposa le traité de Lisbonne, qui en était l'exacte copie. Peut-être Nicolas Sarkozy croit-il que l'opinion publique est amnésique quand il affirme aujourd'hui comme une évidence dans une interview au Monde : « Il nous a fallu réparer en pleine crise les insuffisances de l'euro au moment de sa création », est plus loin : « Certains pays ont été accueillis alors qu'ils n'étaient pas préparés », ce qui aurait eu pour conséquence d'agir comme « une pilule empoisonnée ». On ne peut dresser un bilan plus sévère d'un traité présenté en 2007 par le même Nicolas Sarkozy comme une nécessité pour franchir de nouvelles étapes dans la construction européenne qui s'élargissait à de nouveaux États. Finalement, le traité de Lisbonne, ratifié en février 2008 par les trois cinquièmes du Parlement français – l'adoption ayant été rendue possible par l'abstention du Parti socialiste -, devrait donc connaître une fin anticipée, au pas de charge : un projet d'accord sous quinze jours pour un nouveau traité en mars. Du moins est-ce le souhait de Nicolas Sarkozy. Ainsi le traité de Lisbonne né d'un déni de démocratie serait remplacé par un autre texte, plus répressif et plus réducteur en matière de souveraineté populaire, rédigé à l'abri de toute intervention du peuple. Souvenirs pour souvenir, relisons ce qu'écrivait l'Humanité le 12 décembre 2007, dans un dossier qui décryptait le traité de Lisbonne avant sa ratification parlementaire : « La Banque centrale européenne est une pièce de l'Europe libérale. Ses règles de fonctionnement ont été conçues comme un verrou d'une politique monétaire strictement dévouée aux marchés financiers. » La question de l'indépendance de la BCE, le fait qu'elle accorde des emprunts aux banques à des taux très bas, pour que celles-ci prêtent aux États à des pourcentages d'usurier, ont aggravé la situation des pays en difficulté dans la zone euro. Qui avait vu juste ? Ceux qui dans les colonnes de l'Humanité dénonçaient la capitulation du pouvoir politique, de la démocratie, ou ceux qui se firent les thuriféraires du libéralisme et qui aujourd'hui font mine de découvrir l'ampleur des dégâts ? Il n'y a évidemment pas lieu de se bercer de la moindre illusion sur le sens des modifications du traité que la chancelière Angela Merkel va faire imprimer avec le soutien du président français. Elles visent à nous éloigner encore davantage des aspirations progressistes d'une Europe sociale qui fasse converger vers le haut les conditions de vie et de travail des peuples. De plus, en l'absence d'accord de Londres, le nouveau traité ne saurait voir le jour et serait remplacé par un accord intergouvernemental. Hier, Nicolas Sarkozy s'est bien gardé de se montrer trop rassurant. Légitime prudence ? Ou souhait de placer la campagne électorale à l'ombre menaçante « d'une crise sans précédent dans l'histoire du monde ». Manière de déporter le débat sur les contingences européennes et de justifier la réduction de 150 000 fonctionnaires et la réforme des retraites. (l'Humanité)
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