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Dimanche 11 Décembre : 2011:

 

Une journée sur le front de la crise

Par Jean-Christophe Le Duigou (1)

Dans son discours de Toulon, le président de la République a dédouané les banques et épargné les marchés financiers. C'est pourtant là, au coeur du système, que se noue la crise économique et financière. Que peut nous apprendre le suivi d'une journée banale d'informations sur la crise financière ? Choisissons par exemple le mercredi 30 novembre, 12 déclarations et faits, extraits du « fil AFP », et qui parlent d'eux-mêmes.

Francfort. Une nouvelle fois les banques ne se font plus confiance entre elles. Elles ne veulent plus se prêter d'argent. Il faut leur ouvrir d'urgence de nouvelles possibilités de refinancement auprès des banques centrales. La Banque centrale européenne (BCE) et la Réserve fédérale américaine (FED) annoncent une décision coordonnée de la baisse du coût des opérations d'échange de liquidités pour soulager les banques européennes qui peinent à se procurer des dollars.

Paris. Dopées par l'annonce des banques centrales, les Bourses européennes ont clôturé en forte hausse, du fait de l'envol des titres du secteur bancaire. La réaction euphorique des marchés ne devrait pourtant n'être que passagère car rien n'est résolu.

Bruxelles. Les ministres des Finances de la zone euro annoncent qu'ils vont travailler « rapidement » à une augmentation des ressources du Fonds monétaire international (FMI) « pour qu'il puisse mieux aider l'Europe à faire face à la crise de la dette », a annoncé leur chef de file, Jean-Claude Juncker. L'Europe aurait-elle épuisé ses dernières cartouches ?

Bruxelles. Le taux des derniers emprunts à 3 ans de l'État italien atteint 8 %. L'Italie est aux abois. Le bruit court qu'elle va faire appel au Fonds monétaire international. Le chef du gouvernement italien, Mario Monti, nie.

Paris. Personne ne croit au démenti. Le Fonds monétaire international, lui, confirme et laisse entendre « qu'il est prêt à soutenir l'Italie, à condition que la Banque centrale européenne y contribue d'une manière ou d'une autre ».

Washington. Le lobby mondial des banques, l'Institut de la finance internationale, se dit satisfait des changements décidés par les pays de la zone euro pour financer leur fonds de secours. Ce n'est guère étonnant puisque le FESF, ce fonds de secours, fonctionne comme une assurance tous risque vis-à-vis des créances des banques.

Milan. Les députés italiens ont donné un premier feu vert au projet d'inscription dans la Constitution de la « règle d'or » de l'équilibre budgétaire, destinée à rassurer les marchés. Ce premier pas laisse augurer de la pression qui va s'exercer sur tous les gouvernements pour adopter ce qui s'apparente à un véritable carcan.

Athènes. La Grèce a entamé les négociations avec ses créanciers privés pour réduire sa dette, alors que la zone euro maintient la pression sur le pays pour poursuivre la voie de la rigueur. Chacun sait que la Grèce sera incapable de rembourser sa dette. Mais il faut entretenir la fiction d'un remboursement possible.

Singapour. Le gouvernement de la Banque de France, Christian Noyer, a estimé, lors d'un symposium à Singapour, que le monde vivait désormais une « véritable crise financière », avec des marchés « de plus en plus stressés ». Quelle découverte ! A-t-il aussi conscience de la crise sociale qui accompagne cette crise économique ?

Lisbonne. Le Parlement portugais a définitivement adopté un budget pour 2012 d'une rigueur draconienne, qui, comme cela est affiché, « doit permettre au gouvernement de réduire les déficits du pays ». Au risque d'aggraver la récession et de rendre la dette encore plus difficile à supporter.

Paris. Le site lesechos.fr explique comment la machine s'emballe. La Banque centrale européenne vient de prêter 265 milliards d'euros aux banques, à un taux très bas. Ces dernières avancent aux États avec des taux d'intérêt quatre à cinq fois plus importants. C'est le moyen de faire d'énormes profits sur le dos de peuples victimes de l'austérité, tout en asséchant les comptes publics des États.

Londres. Les salariés du secteur public britannique ont observé une grève contre la réforme des retraites. Les projets de suppression d'emplois publics et l'amputation des salaires. Ce mouvement a touché les écoles, les aéroports, les hôpitaux et les services municipaux. D'après les syndicats, ce sont deux millions de personnes qui se sont jointes à cette action. Comme en cette journée du 30 novembre, le dernier mot reviendra-t-il aux

peuples ?

(1) Économiste et syndicaliste.

(L'Humanité Dimanche)

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