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Vendredi 9 Décembre : 2011:
Éditorial Le coup de force contre l'Europe Par Jean-Paul Piérot Encore un « sommet de la dernière chance » pour sauver l'Europe ! Un de plus pour tenir en haleine l'opinion publique et mettre en scène, à l'issue d'un week-end « de tous les dangers », un Nicolas Sarkozy s'attribuant le meilleur rôle, quelle que soit l'issue des discussions entre chefs d'État et de gouvernement. Le scénario est écrit, mais laisse une telle impression de déjà-vu qu'il n'est pas sûr que les citoyens apprécieront l'intrigue. En occupant bruyamment le devant de la scène, en agitant le chiffon rouge de la crise de la dette publique dans la zone euro, le président-candidat veut exploiter un filon à cinq mois de l'élection présidentielle : détourner l'attention des résultats peu flatteurs de sa politique économique et sociale en France, et tenter du même coup de s'exonérer de ses propres responsabilités dans l'aggravation de la vie des couches populaires et des classes moyennes. La dramatisation sur le thème de la dette vise aussi à décourager le monde du travail, à le contraindre à accepter, comme découlant d'une fatalité, la remise en cause complète d'un modèle social obtenu au prix d'un siècle de luttes syndicales et politiques. Sans doute va-t-on assister tout au long du sommet bruxellois à l'affrontement de contradictions puis à la recherche de convergences entre le couple Merkel- Sarkozy, les responsables des institutions européennes (Commission et présidence du Conseil) et des pays qui redoutent d'être assujettis sous la férule berlinoise, avec la collaboration de Paris. Car de toute évidence, ce sont les thèses de la droite allemande qui sont poussés en avant. L'agitation du président français n'est que pantomime et faux-semblant. La lettre commune adressée, la veille de la réunion, au président du Conseil Herman Van Rompuy, est certes cosigné par le président français et la chancelière allemande, mais son contenu reprend toutes les injonctions d'Angela Merkel, tant sur le changement de traité, sur la discipline de fer imposée aux États, sur l'automaticité des sanctions en cas de dépassement des déficits, que sur le maintien du dogme de l'indépendance de la Banque centrale européenne, à propos de laquelle Nicolas Sarkozy avait eu quelques velléités réformatrices avant de s'incliner de manière humiliante. Si l'Union européenne court un danger, elle le doit pour une large part à l'offensive germano-française. Elle risque d'être balkanisée avec un centre dominant – une partie de la zone euro – et des périphéries plus ou moins vassalisées, une Europe à deux vitesses et plusieurs variantes, qui bafoue grossièrement les souverainetés nationales et la souveraineté populaire au niveau européen. La primauté accordée aux exécutifs – l'intergouvernemental, comme dit Nicolas Sarkozy – verrouille les Parlements nationaux, sommés de respecter la règle d'or, et maintient le Parlement européen hors du champ décisionnel. Or, la démocratie ne se divise pas : la politique européenne nécessite des plages de souveraineté librement partagée pour résoudre des problèmes communs, une plus grande implication des assemblées élues, dans le cadre national et européen. Aussi les propositions soutenues par Nicolas Sarkozy constituent-elles une remise en cause grave de la souveraineté nationale, ce qui n'est pas exactement la mission d'un président de la République. (l'Humanité)
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