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Mardi 6 Décembre : 2011:
Éditorial À marche forcée Par Maurice Ulrich C'est à marche forcée et du même pas qu'Angela Merkel et Nicolas Sarkozy entendent imposer aux peuples d'Europe « règles d'or » et sanctions automatiques. Rien de nouveau sur le fond de ce qui s'est discuté hier à l'Élysée, présenté comme un accord franco-allemand, si ce n'est cette volonté de passer en force. De ce point de vue, et quand bien même le chef de l'État a cru devoir à son tour faire un petit numéro évoquant la « germanophobie », il ne sert de rien d'évoquer des fantasmes de casque à pointe. C'est tout simplement la main dans la main que le couple franco-allemand entend apporter aux marchés la réponse mortifère de l'austérité, et les quelques velléités de la France concernant les eurobons ou un nouveau rôle de la Banque centrale n'auront pas survécu au déjeuner, ni même aux hors-d'oeuvres. Nicolas Sarkozy n'a pas cédé à Angela Merkel, parce que, pour qu'il cède, il eût fallu qu'il résiste, non, mais tous deux se sont mis d'accord sur le dos d'États appelés à se soumettre, et cela dès cette semaine. Il n'en est pas moins vrai que le modèle allemand prévaut, mais s'il entend donner la mesure de toute chose et le « la », ce n'est pas par on ne sait quel atavisme, c'est parce qu'il incarne avec le plus de constance et de détermination la soumission de l'économie aux marchés et la politique du capital. Nous avons montré ici même, voici quelques jours, ce qu'il en était de ce modèle qui ne fait plus illusion qu'en raison de ce qu'il fut il y a plus de vingt ans. En s'imposant dans toute l'Europe, ces politiques de plomb pour les acquis sociaux et la croissance même sont de ces prétendus remèdes qui tuent les malades. L'austérité censée apurer les dettes des États en étouffant dans l'oeuf les politiques de relance, de crédit pour l'emploi et la production, ne fait que creuser les dettes. La dette de la Grèce, avant les saignées successives, était d'environ 220 milliards d'euros. Elle dépasse maintenant les 360 milliards. Faut-il s'en étonner quand les taux d'emprunt ne font qu'augmenter à chaque nouvel obstacle, à chaque frémissement des agences de notation ? Les dispositions confirmées hier vont-elles à l'encontre de cette logique ? En aucune manière et, au contraire, elles l'aggravent. La règle d'or assortie de sanctions ne peut qu'enfoncer les États en difficulté. Moins ils pourront payer, et plus ils devront payer en raison des sanctions qui leur seront imposées. Il faut tout l'aplomb de Nicolas Sarkozy pour tenir que ce serait là le moyen de préserver le modèle social français. C'est bien de sa mise en pièces qu'il est question. Tout ce qui se passe est une offensive d'une profondeur et d'une gravité sans précédent depuis des décennies contre les peuples et l'idée même du progrès social. Il faut tout l'aplomb d'Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy pour tenter d'accréditer l'idée que ce serait la seule voie pour continuer l'Europe. Si le rêve et la perspective d'une Europe ouverte et solidaire, d'humanité et de progrès ont un sens, c'est à l'opposé de cette politique de la corde au cou pour les États qui la composent. Main dans la main, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy entendent faire passer leur modification des traités d'ici au mois de mars, avant même les élections présidentielle en France et législatives en Allemagne. C'est dire en même temps quelle machine autoritaire se met en place et qu'à la marche forcée du capital il faut opposer la force de la démocratie. (l'Humanité)
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