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Dimanche 4 Décembre : 2011:

 

À ce régime-là, les citoyens se révolteront

Par Francis Wurtz (1)

Dans un éclair de lucidité, Jean-Pierre Jouyet, président de l'Autorité des marchés financiers (le « gendarme de la Bourse »), affirmait récemment – après que ces fameux marchés ont réussi à propulser leurs hommes à la tête du gouvernement grec et italien – qu'« à terme, les citoyens se révolteront contre cette dictature de fait ». Cette prédiction peut aussi s'appliquer à la réforme des traités européens ou au superpacte de stabilité qu'Angela Merkel et Nicolas Sarkozy veulent nous imposer. Ils envisageraient, en effet, de confier à la Commission européenne des pouvoirs exorbitants en matière budgétaire et économique au détriment des Parlements nationaux et des gouvernements actuels et à venir. La chancelière allemande a comparé ces éventuels nouveaux pouvoirs à ceux que l'exécutif bruxellois exerce d'ores et déjà pour faire respecter la libre concurrence, domaine dans lequel la Commission n'a consulté ni le Parlement européen ni les gouvernements pour prendre ses décisions. Et quelles décisions ! Deux exemples pris dans l'actualité récente sont éloquents à cet égard. Le premier concerne SeaFrance, une compagnie de ferries assurant la liaison entre Calais et Douvres. Il s'agit d'une filiale de la SNCF que la concurrence, notamment d'Eurotunnel, a mise dans une situation critique. Les 880 emplois en CDI et les 200 emplois saisonniers étant en grand danger et le pavillon français risquant de disparaître du trafic transmanche, la maison mère décida d'accorder à sa filiale un prêt de 100 millions d'euros. Afin de ne pas être accusée de favoritisme par Bruxelles, la SNCF fixa le taux d'intérêt de son prêt au niveau auquel l'aurait fait « le marché », soit... 8,55 % ! Peine perdue : la Commission a interdit le prêt. La SNCF étant une entreprise publique, elle n'est pas en mesure de prouver « que les investisseurs croient en la viabilité du futur » de SeaFrance ! Dès lors, il s'agit d'une « aide d'État » illégale. Second exemple : Volkswagen. Il existe une loi allemande protégeant ce fleuron, anciennement public, de l'industrie du pays contre toute prise de contrôle par un groupe étranger. Pire, toute délocalisation d'usine de production nécessite une décision du conseil de surveillance du groupe, à une majorité des deux tiers. Or, les représentants des salariés y totalisent la moitié des voix. Ces dispositions sont « contraires aux principes de libre circulation des capitaux », vient de rappeler Bruxelles. L'Allemagne s'obstinant à en conserver certaines, la Commission vient de saisir la Cour de justice pour y mettre fin. Elle a, dans le même esprit, laissé un mois au gouvernement italien pour abolir des « droits spéciaux » accordant aux pouvoirs publics un certain contrôle sur de grandes entreprises stratégiques privatisées dans les secteurs de l'énergie et des télécommunications.

Conclusion : si vous voulez voir la Commission européenne (ou tout autre instance inaccessible aux citoyens) acquérir le même type de pouvoirs, cette fois pour veiller à la « discipline budgétaire » et à la « surveillance macroéconomique » des pays membres, soutenez vite le projet Merkel-Sarkozy. Sinon, défendez plutôt le programme partagé du Front de gauche.

(1) Député honoraire du Parlement européen.

(L'Humanité Dimanche)

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