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Vendredi 2 Décembre : 2011:
Éditorial Le frisson et la démission nationale Par Patrick Apel-Muller Ce n'est pas au grand large des peuples méditerranéens que s'est adressé Nicolas Sarkozy, hier soir, à Toulon : le président de la République veut rétrécir l'Europe à une zone euro administrée selon les diktats d'Angela Merkel. Il n'a pas offert aux Français l'espérance d'une vie meilleure : il était là pour rassurer les marchés financiers et leur prouver qu'il était en campagne pour les satisfaire. La théâtralisation un peu poussive de cette prise de parole visait à provoquer un frisson national, une « peur » martelée à plusieurs reprises pour faire admettre le viol de la souveraineté populaire et la démission nationale qu'il vient d'acter avec la chancelière allemande. Le retour sur les lieux de promesses évanouies de 2008, le discours de l'énergie et de l'effort, la rengaine de la « régulation » ne sont que des miroirs destinés à distraire les alouettes du coup d'État feutré qui est en train de se perpétrer. Il s'agit d'aller vers des structures fédérales européennes – dégagées du droit de regard des peuples – qui imposeraient des gestions au pas des marchés financiers, imposant l'austérité et les restrictions sociales, donnant la possibilité de poursuivre les États si la saignée n'est pas assez rude. Des tribunaux décideraient en place des électeurs ou des élus ! Et surplomb des citoyens et des territoires, régnerait un pouvoir politico-économique tentaculaire, voué à la réduction des droits sociaux, au démantèlement des systèmes de protection sociale, des services publics, à la mobilisation des richesses pour relancer la fournaise des spéculations financières. Le chef de l'État annonce une Europe forteresse, un avenir de régression sociale décrétant la retraite à 60 ans « socialement injuste ». Il résume : « Travailler plus » pour gagner moins. La mise en place de ce totalitarisme libéral maquillé sous le vocable de « convergence » ne promet que des déboires. C'est le respect de ses dogmes qui plonge l'Europe dans la récession et le chômage, en asséchant les comptes publics, donc en aggravant le surendettement ; c'est le capitalisme lui-même qui entretient la crise et qui spécule sur ses ravages. Le retour présidentiel à Toulon lui revient comme un boomerang .« Regardons d'où nous venons et ce qui a été accompli depuis trois ans », a-t-il risqué hier... Tant de proclamations, il y a trois ans, pour tant de dégâts depuis. L'assassin, dit-on, revient toujours sur les lieux du crime. Il y revient à grand renfort de fonds publics pour entamer une campagne électorale qui n'ose pas dire son nom. Mais hier, devant 5000 de ses partisans acheminés par l'UMP, c'était un candidat qui parlait. Pendant ce temps-là, en Allemagne, la chancelière plastronnait au Bundestag. C'est la loi du capitalisme allemand, des financiers de Francfort, à laquelle s'est soumis l'Élysée. Ce n'est pas celle du peuple allemand, dont l'Humanité a montré hier qu'il souffrait du modèle économique et social que ses dirigeants veulent imposer au continent. Il est d'ailleurs indigne de confondre la mise en cause de cet autoritarisme avec « le nationalisme au clairon » ou un « Front national de gauche ». Si Daniel Cohn-Bendit s'est abaissé à le faire, c'est qu'il s'est rallié – au contraire des progressistes allemands de Die Linke – à la modification des traités et qu'il cherche à désarmer la gauche pour obtenir son abstention. (l'Humanité)
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