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Mercredi 30 Novembre 2011:

 

Éditorial

Les mercenaires des marchés jouent les juges

Par Patrick Apel-Muller

Ni les chiffres du chômage ni l'annonce de la récession par les économistes de l'OCDE, pas plus que les records de détresse enregistrés à l'ouverture des Restaurants du coeur n'ont affecté l'accès d'euphorie boursière qui s'est emparé des places européennes. Il est pourtant quelque chose qui chiffonne les marchés au point que l'agence de notation Standard & Poor's a publié une note hier : il s'agit du volet nucléaire de l'accord électoral entre écologistes et socialistes qui pourrait avoir des conséquences négatives sur les notes d'EDF et d'Areva. Quoi qu'on puisse penser de l'accord PS-EELV, et notamment le plus grand mal, il ne revient pas à ces mercenaires des financiers de s'instaurer en tribunal du bien et du mal. Voilà la société à laquelle Nicolas Sarkozy veut nous accoutumer ; la vie publique y serait ponctuée par les carnets de note délivrés par les spéculateurs du monde, qui recaleraient ou admettraient pour un passage dans la classe supérieure tous les projets politiques. La réforme de la gouvernance européenne que le président de la République écrit sous la dictée d'Angela Merkel a le but d'habiller la camisole dans laquelle seraient ligotés les peuples. Une autre de ces agences au service des fonds prédateurs, Moody's, vient d'annoncer qu'elle pourrait dégrader tous les pays de la zone euro... faute « d'initiatives politiques majeures dans un avenir proche ».

En agitant la crainte du chaos, l'UMP espère un effet de sidération sur les électeurs qui les conduiraient à se blottir auprès du président sortant en oubliant les salaires écrasés, les retraites repoussées, le chômage croissant, les droits sociaux malmenés. La catastrophe économique et l'effet panique se conjuguant pour atteindre cette « fin de l'histoire » dont rêvaient les néoconservateurs américains, un capitalisme régnant sans rival ni contestations. C'est bien en prenant le contre-pied de l'austérité, en avançant un projet de société radicalement autre que la gauche peut contrarier cette entreprise et satisfaire les aspirations au changement que caresse une majorité de Français. Les dernières déclarations de François Hollande qui veut donner « une identité claire » à sa campagne ne vont pas dans ce sens. Comme en écho aux déclarations de Lionel Jospin qui, avec le calamiteux résultat qui s'ensuivit en 2002, assurait que son programme « n'était pas socialiste », voilà que le vainqueur de la primaire déclare qu'il « n'est pas le candidat d'un parti » et qu'il piochera à son gré dans le programme du PS qui devait être sa feuille de route et dans l'accord avec EELV dont l'encre est à peine sèche. Et voilà qu'il annonce qu'il prendra à bord de son prochain gouvernement François Bayrou si celui appelle à le soutenir au second tour. On avait souri de Ségolène Royal éconduite au pied de l'immeuble du candidat centriste après le premier tour mais, voilà que cinq mois avant cette échéance, le président du conseil général de Corrèze s'essaie à l'aubade. Elle risque de ne pas séduire les électeurs de gauche qui savent depuis toujours que le centre c'est la droite et se souviennent que le député béarnais veut atteindre l'équilibre budgétaire à austérité forcée. Le sondage BVA publié hier par le Parisien sur le vote des étrangers aux élections locales montre que ce n'est pas en rendant les armes qu'on fait pièce à l'idéologie conservatrice. Chaque fois que la gauche a molli, elle s'est fait étaler par la droite...

(l'Humanité)

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