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Jeudi 24 Novembre 2011:
Éditorial La droite du renoncement Par Patrick Apel-Muller On eût dit la grenouille se faisant aussi grosse que le boeuf. Marc-Philippe Daubresse, ancien ministre assez obscur, a tenté de paraphraser La Fontaine pour tourner en ridicule la gauche lors des journées UMP de Lambersart dans le Nord, un lieu choisi dans les parages du fief de Martine Aubry pour annoncer une énième fois la mort des 35 heures. Vous connaissez la fin de la fable (« La chétive pécore / S'enfla si bien... ». L'exercice ne sacrifie pour simplement aux exigences de la polémique de tribune. La droite assemblée a tenu un discours violent – à la limite haineux – et des ministres comme Nathalie Kosciusko-Morizet ont sombré dans les caricatures. Les troupes de Nicolas Sarkozy se sont mises en marche dans un esprit de guerre sociale. La conversion est faite, a martelé Jean-François Copé, adieu le « travailler plus pour gagner plus » ! Bonjour le « produire plus et dépenser moins », avec l'étape qui va de soi : « gagner moins ». La tâche n'est pas aisée. Il faut convaincre les Français que le mieux est d'aller plus mal ! C'est pourtant à cette entreprise que va se consacrer la droite avant l'entrée officielle en campagne de Nicolas Sarkozy, annoncée pour la mi-février. Les éléments de langage colportés par les porte-parole de la droite instilleront dans les esprits la fatalité de l'austérité, la condamnation de la France à des reculs de civilisation (report de la retraite, abandon de pans de la santé, éducation anémiée, solidarité sociale évacuée, culture sacrifiée...), la soumission obligée aux marchés financiers et à leurs agences de notation. Dans ces épreuves, le président du Fouquet's serait la seule protection possible pour que l'avenir ne soit pas plus noir encore. Les années 1980 avaient vu – sous les auspices de Vive la crise – l'alliance de la fortune et de dirigeants politiques pour convertir au culte de l'argent roi ; aujourd'hui, il s'agit d'arracher la résignation de tous à un déclassement social général, au profit d'une minuscule oligarchie. Des plans de suppression d'emplois vont tomber en cascade et seront agités comme autant de périls qui justifient la reconduction de l'hôte de l'Élysée, en oubliant combien de profits se mêlent à la sarabande : Axa, 2,7 milliards d'euros en 2010 et 1500 postes dans le collimateur en Allemagne ; PSA, à 1,8 milliard et 6800 emplois menacés en Europe ; ArcelorMittal, 2,9 milliards, le haut-fourneau de Florange fermé et 1100 salariés liquidés... Qui peut oublier que la France est le pays européen qui compte le plus de millionnaires en dollars ? La politique de la droite se fait désormais à la corbeille, qui ne supporte plus les 35 heures et veut drainer à son profit les ressources publiques en transférant sur les salariés et les familles une grande partie de la fiscalité, avec l'injuste TVA sociale. C'est un courage d'hommes de main qui ravive la pertinence d'une citation de Blanqui : « Oui, messieurs, c'est la guerre entre les riches et les pauvres : les riches l'ont voulu ainsi. Ils sont en effet les agresseurs. Seulement ils considèrent comme une action néfaste le fait que les pauvres opposent une résistance. Ils diraient volontiers en parlant du peuple : cet animal est si féroce qu'il se défend quand il est attaqué. » La gauche ne pourra l'emporter qu'à la condition de refuser de prêter la main à cette entreprise de démoralisation sociale. En démontrant point par point que les richesses créées et inventées peuvent profiter à tous. Si elle sacrifiait à la religion de l'austérité, elle perdrait alors tous ses atouts. (l'Humanité)
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