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Mercredi 23 Novembre 2011:

 

Éditorial

La spirale

Par Maurice Ulrich

Deux jours avant le scrutin, celui que l'on ne peut appeler le nouvel homme fort de l'Espagne, Mariano Rajoy, avait demandé aux marchés de lui accorder un répit « d'un peu plus d'une demi-heure » après l'élection. Sans doute ne croyait-il pas si bien dire. Dès hier matin, la Bourse plongeait à Madrid et il faut toute la bonne volonté militante du Figaro, en France, pour affirmer que, « les mains libres », il se prépare à gouverner et que les Espagnols ont tranché en lui accordant leur confiance « pour sortir leur pays du marasme économique ». Il a au contraire les mains liées par la finance ; quant à la confiance des Espagnols, elle est, pour nombre d'entre eux, toute relative. Le résultat, en effet, ne tient pas tant à sa progression – seulement 550 000 voix de plus qu'aux législatives de 2008 -, qu'à la déconfiture du Parti socialiste, qui profite aussi en revanche aux écolo-communistes d'Izquierda Unida, « la gauche unie », qui passe de 2 à 11 sièges avec un gain de 700 000 voix. Un système proportionnel leur aurait donné quelque 25 sièges. Une déconfiture profitant également au parti indépendantiste catalan, qui obtient 7 sièges.

La victoire de la droite, en d'autres termes, c'est d'abord la défaite du gouvernement Zapatero, conséquence directe de son incapacité ou plus précisément de sa démission face à la crise. Mariano Rajoy, du reste, n'a pratiquement pas avancé de programme, et pour cause. Non seulement, si l'on peut dire, parce que ça roulait tout seul, mais parce qu'il en est bien incapable et que la seule chose qu'il pourra faire sera de donner toujours de nouveaux tours de vis à une politique d'austérité qui a déjà produit cinq millions de chômeurs. Une politique alimentant le désarroi, voire le désespoir, mais parfois aussi la révolte, comme avec le mouvement des Indignés qui a pu s'exprimer, sans doute, pour partie, dans ce message d'espoir qu'est le vote pour Izquierda Unida.

Le retentissement de l'élection espagnole est déjà considérable. Non seulement elle n'a pas, comme on l'a dit, rassuré des marchés qui en demandent toujours plus en raison de la spirale infernale qui s'est installée en Espagne et en Europe. Plus d'austérité, c'est moins de croissance, donc plus de difficultés à rembourser les dettes souveraines et donc de nouveaux plans d'austérité. Comment oublier que la France en est à son troisième plan en quelques mois ? Mais le retentissement de cette élection ne peut être sans effet sur les formations politiques en Europe. Passons sur la démission du président du Parti socialiste européen, qui a découvert hier matin qu'il souhaitait se consacrer à sa famille.

Toutes les gauches européennes sont confrontées aujourd'hui à un choix. Combattre les marchés avec des politiques de croissance ou se plier. Hier, Manuel Valls pour le PS estimait que Zapatero n'avait pas dit toute la vérité sur la gravité de la crise. C'est vrai sans doute, mais c'est comme s'il s'agissait d'annoncer que François Hollande, lui, dira la vérité et préparera la rigueur. Pour Benoît Hamon, en revanche, Zapatero « a été étranglé par sa politique de rigueur ». Après le cafouillage avec les Verts, le PS va-t-il continuer à mener campagne dans l'ambiguïté ? Pour le Front de gauche, en revanche, le chemin est clair. Il faut combattre, avec indignation, avec détermination, en étant une vraie force de proposition. En France comme en Europe, il faut que les gauches se lèvent.

(l'Humanité)

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