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Lundi 21 Novembre 2011:

 

La politique, c'est d'abord une affaire humaine

De nombreux salariés de l'Oise, du privé et du public, ont participé à la rencontre organisée par le Front de gauche, en présence de Jean-Luc Mélenchon. Omniprésente, la mort du syndicaliste de Still, José Monteiro, a libéré la parole.

Montataire (Oise),

envoyée spéciale.

L'émotion emplit la salle des fêtes, ce vendredi 18 novembre. Elle s'incruste et s'impose dans la rencontre à laquelle participent des représentants syndicaux de plusieurs entreprises de l'Oise, à l'initiative du Front de gauche. Jamais un rendez-vous politique n'a autant suscité d'émoi au fur et à mesure que s'exprime le mal-être des salariés. Ni Jean-Luc Mélenchon ni son alliée Marie-George Buffet ne peuvent dissimuler leur bouleversement. Ébranlés, ils le resteront tout au long de leur déplacement à Montataire, prévu bien avant la mort brutale de José Monteiro, l'un des principaux animateurs de la lutte menée depuis près de cinq mois contre la fermeture de Still-Saxby, l'usine de chariots élévateurs située dans la commune picarde.

Les regards restent déterminés

Dans la salle, le premier à s'emparer du micro donne le ton, lui est venu habillé de son ex-bleu de travail. D'une voix tremblante, il murmure : « On a eu un suicide, 140 divorces... Je croise dans le supermarché des collègues, on dirait des zombies... Ils croient encore que la boîte va rouvrir... » L'homme, ex-ouvrier chez Continental, lance un : « Bon courage les gars. Il ne faut pas baisser la tête, il faut rendre les coups. » Elle, syndicaliste à SUD, évoque « les différents cancers et les dépressions » qui se multiplient à la caisse primaire d'assurance maladie. Une autre, cadre à la SNCF, parle de la « misère sociale, psychologique, présente dans toutes les entreprises ». Et puis, alors qu'on ne l'attendait plus, Xavier Mathieu, l'emblématique leader CGT de Continental, déboule et balance : « J'ai promis de venir, mais je ne peux rester. J'ai de gros problèmes dans ma vie... La lutte, c'est bien, mais ça laisse aussi des traces... » Il s'en va, le visage strié de larmes.

Les yeux se brouillent, mais les regards restent déterminés, subjugués par la force communicante de Jean-Luc Mélenchon. Le candidat du Front de gauche à la présidentielle arrive à remonter le moral après quarante-cinq minutes d'une intervention au ton grave, parfois moqueur pour détendre l'atmosphère. « La France n'est pas un endroit où l'on joue au Monopoly avec les entreprises et les travailleurs ! »

« Amis, sortez de l'ombre »

La mort d'un des leurs a sans doute libéré la parole. « Avant le syndicaliste, l'époux, José Monteiro était notre semblable. Nous ressentons ce qui lui arrive comme une affaire personnelle », note Jean-Luc Mélenchon. Tout le monde a en tête son image. Ni les participants à la rencontre ni ses collègues ne veulent croire que son décès, mardi 15 novembre, dû à une crise cardiaque, n'est pas lié au bras de fer qu'il avait engagé avec la multinationale Kion dont dépend Still-Saxby (voir notre édition du 18 novembre). « Il a combattu au service de l'intérêt général, soutient Marie-George Buffet (PCF), contre les spéculateurs et autres actionnaires qui rongent la société, contre le cancer financier qui tue. »

Une mort injuste, vécue comme un trop-plein par ces salariés du privé comme du public qui assistent à la rencontre placée sous le signe de « l'Humain d'abord ». Ces femmes et ces hommes, travailleurs avec ou sans papiers, ouvriers ou cadres, sont unis pour dire « stop » aux licenciements boursiers, à la désindustrialisation de la région picarde. « En 2035, il n'y aura plus d'industrie dans le pays si on continue dans ce sens », s'inquiète Jean-Pierre Bosino, maire (PCF) de Montataire. « Va-t-on laisser un désert à nos enfants ? » s'indigne Jean-Marc Coache, élu (sans étiquette) au comité d'entreprise européen de Still-Saxby. Lui ne l'entend pas ainsi. Ne veut pas voir des zombies en plein désert picard. Au nom du défunt : « Je n'arrive pas à réaliser qu'il n'est plus avec nous, souffle-t-il. On va continuer la lutte et chaque instant on pensera à José. »

Un message de détermination porté jusque devant la porte de l'usine, où les salariés, en tenue de travail, assistent à l'hommage rendu à José Monteiro. Un silence puis des applaudissements accompagnent les paroles de Jean-Luc Mélenchon. « Regardez comment à travers celui qui s'avance dans la lutte se dessine le visage de l'humanité universelle. (…) Pensez à celui qui marche devant, à celui qui s'avance pour porter la parole des uns et des autres. » Le candidat conclu en se référant au chant des partisans : Amis, sortez de l'ombre, prenez la place de celui qui est tombé, entrez dans la lutte, car elle vous rend libres, dignes et humains. »

Nina Kaci

l'Humanité)

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