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Lundi 21 Novembre 2011:
Austérité : la vis sans fin Par Jean-Christophe Le Duigou (1) À quand le prochain plan d'austérité ? C'est sans doute la seule question qui vaille d'être posée après l'annonce du « plan de rigueur », le 7 novembre, par François Fillon. Olli Rehn, commissaire européen, a vendu la mèche, saluant le plan français d'un commentaire sans ambiguïté : « Ce plan est important... mais Paris doit annoncer dès que possible des mesures supplémentaires ! » La France, sous la surveillance des agences de notation, suit un mouvement quasi général en Europe, sorte d'engrenage fatal qui conduira à la récession en 2012. De mesures d'austérité en recul de la croissance, les déficits ne peuvent que persister, appelant de nouvelles mesures d'austérité. Les techniciens reconnaîtront là le mécanisme de la « vis sans fin », sorte d'engrenage irréversible. En contrepartie de l'aide de la zone euro, la Grèce, le Portugal et l'Irlande ont dû réduire drastiquement leurs dépenses publiques. Menacée par les marchés financiers, l'Espagne a fait de même en adoptant toute une série de mesures entre l'hiver et l'été 2011. En janvier 2010, elle avait déjà voté un plan d'économies de 50 milliards d'euros. La Belgique, qui cherche à retrouver un gouvernement depuis plus de 500 jours, est en train de mettre au point son plan, qui se situerait entre 5 et 10 milliards d'euros pour le budget 2012. Enfin l'Italie de l'après-Berlusconi s'est engagée à opérer de profondes réformes structurelles pour remettre ses comptes publics dans le vert et réduire sa dette, qui atteint aujourd'hui plus de 120 % du PIB du pays. Cette convergence dans l'austérité ne peut que rajouter à l'inquiétude. Quand tous les pays auront fait de même, à quel niveau sera la demande européenne et la croissance ? Certains commentateurs ont cherché à minimiser l'ampleur de l'austérité appliquée à la France. « Le plan est équilibré et ne touche à rien d'essentiel pour l'avenir », a écrit l'un de ceux-ci. Rien ne permet pourtant d'accréditer un tel jugement. Le gouvernement en est à son deuxième tour de vis en deux mois et demi. Mais ces deux plans s'insèrent eux-mêmes dans une politique d'austérité plus générale qui voit coexister la fameuse révision générale des politiques publiques (20 milliards d'euros de coupes claires dans les budgets), la réforme des retraites de 2010 (20 autres milliards d'euros d'amputation des droits des salariés). Au total 60 milliards d'économies, soit l'équivalent de 3 points de PIB. Les salariés voient s'aggraver la pression fiscale qu'ils subissent. Ils sont obligés de prendre à leur charge une partie toujours plus importante de leur couverture sociale principale et complémentaire, à un moment où leur pouvoir d'achat stagne et où le chômage de longue durée s'étend. « Le gouvernement distille l'austérité par tranches », a dénoncé Bernard Thibault. On serait tenté de rajouter « et les tranches sont de plus en plus grosses » ! Ces quelques chiffres donnent une idée de l'ampleur de l'effort qui est demandé aux ménages et aux salariés. Mais la « rigueur » n'est pas que quantitative. À cet égard, le plan du 7 novembre, comme cela avait été le cas avec la réforme des retraites, confirme bien un tournant. Ce virage se concrétise dans le type d'impôts que le gouvernement a décidé d'augmenter, l'impôt sur le revenu, via le gel des tranches du barème pendant 2 ans et l'augmentation du taux réduit de TVA. Il se mesure aussi dans les dépenses qui sont réduites. En limitant de manière draconienne à 2,5 % pour les 5 ans à venir la progression de l'enveloppe des dépenses d'assurance maladie, le fameux ONDAM, en augmentant le reste à charge des assurés, et en désindexant des prix des prestations familiales et les aides au logement, la majorité s'attaque au système de protection social français. C'est un message clair adressé aux marchés, aux agences de notation. Toutes les indications vont dans le même sens. La purge administrée ne constitue aucunement une stratégie de développement à court ou moyen terme. Elle n'a aucune chance de dissiper l'inquiétude sociale. Elle va très certainement enfoncer le pays et l'Europe dans la récession. Il est urgent d'emprunter d'autres voies. (1)Économiste et syndicaliste. (L'Humanité Dimanche)
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