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Dimanche 20 Novembre 2011:
La « fraude sociale » cache le hold-up fiscal Par Gérard Filoche, inspecteur du travail La fraude fiscale, on connaissait : elle est estimée entre 2 et 2,5 % du PIB, soit entre 38,74 et 48,42 milliards. Sur un budget annuel de 320 milliards, c'est énorme, en effet. Faute de la combattre, l'UMP engage la lutte... contre la « fraude sociale ».Quesaco ? Il s'agirait de la fraude aux caisses de protection sociale : alarmiste, l'UMP annonce « 20 milliards de fraude sociale » et fait croire qu'il s'agirait de fraude des particuliers, prestations perçues indûment en indemnités maladie ou en « aides sociales ». Mais les rapports démontrent vite que celle-ci est minime : 0,1 % des 66 milliards versés chaque année, quelques millions d'euros et non pas des milliards. Ça ne fait rien, la manipulation est à l'oeuvre : plutôt que de s'en prendre aux chefs d'entreprise qui ne versent pas de cotisations sociales, qui multiplient le travail dissimulé, le Parlement s'apprête à prendre des mesures avec un projet « d'amende contre les salariés en cas d'arrêt maladie abusif ». Actuellement, un salarié qui se fait prescrire un arrêt de travail bénéficie d'indemnités journalières. En cas d'interruption prolongée, il passe alors devant un médecin-conseil de la Sécurité sociale qui peut mettre fin à ces indemnités s'il estime cet arrêt abusif. Jusque-là, dans 90 % des cas, les indemnités étaient reprises, maintenant, en plus, une amende sera imposée. « Le gouvernement oublie de rappeler que ce sont les médecins qui prescrivent la durée des arrêts maladie : ce ne sont donc pas les malades qui doivent être tenus responsables d'un arrêt qui semblerait injustifié », répond la FNATH. En dix ans, la droite agit en ce sens : au lieu d'intensifier les contrôles contre les employeurs, elle a accru les possibilités de contrôle des employeurs contre les salariés (loi du 18 décembre 2003). La loi du 13 août 2004 a renforcé les contrôles de la Sécu elle-même. Dans la même veine, la droite a supprimé en 2008 la non-imposition des indemnités journalières pour accident du travail (150 millions pris aux victimes d'accident du travail). Elle envisage en 2012 de baisser le niveau des indemnités journalières et semble n'y renoncer qu'en mettant en place un « quatrième jour de carence » non payé lors des arrêts maladie : une « franchise » de 400 millions d'euros imposée aux salariés concernés. Comme si c'était là qu'il fallait chercher la solution pour faire face aux centaines de milliards des pseudo-« dettes ». C'est un choix de classe : laisser s'enfuir les milliards de la fraude fiscale des entreprises, s'acharner sur quelques millions de la prétendue fraude des salariés. (L'Humanité Dimanche)
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