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Samedi 19 Novembre 2011:
Éditorial Sans détour Par Maurice Ulrich En somme, nous en serions, comme les Gaulois, à redouter que le ciel ne nous tombe sur la tête. Les nouvelles divinités que sont devenues les agences de notation vont-elles lâcher ou non notre triple A ? Et chacun d'y aller de ses commentaires, accusant les inquiets ou les trop inquiets de jouer contre la France. En réalité, ceux qui jouent contre la France, contre son économie et contre son indépendance, ce sont ceux qui ont mis la France entre les mains de la finance, en privilégiant la Bourse, les profits du CAC 40 et les dividendes, contre l'emploi et particulièrement contre l'emploi industriel, contre la croissance réelle. Et ils continuent. Peugeot, après avoir bénéficié de l'aide publique sous forme de prêt à hauteur de 3 milliards d'euros, annonce 5000 suppressions d'emplois ! C'est cette politique qui affaiblit le pays, et les plans d'austérité à répétition ne peuvent que l'affaiblir encore. À en croire Nicolas Sarkozy, la sauvegarde à tout prix du triple A serait le moyen absolu de préserver notre modèle social. C'est un mensonge éhonté. Les agences de notation et le personnel politique du capital partagent exactement la même vision et agissent dans le même sens. Faites pour mesurer la « qualité » du capitalisme, les agences n'attendent rien d'autre que toujours plus de capitalisme. C'est le sens profond des mesures qu'entendent imposer à la Grèce, à l'Italie et à d'autres, de plus en plus nombreux, des gouvernements composés, contre toute démocratie, par des « techniciens » venant directement du monde de la finance et précisément, pour l'Italie et la Grèce, passés par Goldman Sachs. Les hommes des marchés sont aux commandes pour répondre aux marchés. Moins de services publics, de nouvelles privatisations, la liberté de licencier, toujours plus de précarité... Soyons clairs : la perte ou du triple A ne serait évidemment pas sans conséquences, mais l'avenir de la France ne dépend pas de sa note. Il dépend de la mise en œuvre ou non de changements politiques profonds. De ce point de vue, la façon dont la campagne s'engage à gauche ne peut qu'inquiéter. Le cafouillage marchand de ces derniers jours entre les Verts et le PS n'est pas digne des débats ouverts que l'on peut attendre entre citoyens et acteurs du changement, militants politiques, syndicalistes, progressistes, pour, en même temps, battre Nicolas Sarkozy et créer les conditions d'une tout autre politique. La question de notre avenir énergétique, et donc du nucléaire, n'est pas secondaire, loin s'en faut. Mais, précisément, elle appelle bien autre chose que des tractations de couloirs et des distributions de sièges. D'autant que, pendant ce temps, les travaux de démolition du pouvoir continuent. Que la gauche continue comme cela et elle ira droit dans le mur en contribuant à alimenter le rejet de la politique. Il sera bien temps alors de dénoncer la droite et l'extrême droite. Dans ce sombre tableau, des nouvelles font du bien. Comme l'annulation, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, après des mois de lutte des salariés, du plan dit « de sauvegarde » de la direction de Fralib, au motif que « le chiffre d'affaires du groupe est en pleine croissance sur le plan mondial : toutes activités confondues, plus 44 milliards d'euros en 2010,11 % de mieux qu'en 2009 »... Quand la lutte mène à la justice, le monde marche sur la tête. Les salariés de Fralib, comme ceux de Still, débattent précisément dans nos colonnes avec le candidat du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon. Disons-le sans détour. C'est avec de tels débats, dans tout le pays, que peut se construire le changement. (l'Humanité)
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