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Vendredi 18 Novembre 2011:

 

Éditorial

Démocratie subversive

Par Jean-Paul Piérot

Défendre la démocratie est devenu subversif dans le fonctionnement de l'Union européenne.

À la direction des États, des gouvernements sont remplacés sans que l'on ait recours au suffrage des citoyens. En Grèce comme en Italie, des hommes directement liés aux institutions de l'Union et aux banques prennent les affaires en main, après le renvoi d'un Georges Papandréou, usé par les plans d'austérité dont il s'était vainement fait le relais auprès de son peuple. Et d'un Sylvio Berlusconi devenu trop infréquentable à force de scandales qui faisaient la honte de l'Italie. Ni à Athènes ni à Rome l'on ne regrette leur départ, mais dans ces deux capitales on n'a guère de motifs de pavoiser pour l'arrivée au pouvoir d'un ancien vice-président de la BCE, et d'un ex-commissaire européen, conseiller international de la banque Goldman Sachs. Quant au nouveau ministre italien coiffant le développement économique, les infrastructures et les transports, Corrado Passera est le patron de la seconde banque de la Péninsule. Hier devant le Parlement européen. José Manuel Barroso n'a pas fait mystère du peu de cas qu'il faisait de la souveraineté populaire, annonçant une surveillance accrue des budgets nationaux des États au nom de la stabilité financière de tous

« Rassurer les marchés » justifie pour les eurolibéraux de rétrécir la démocratie, et de s'acheminer, sous l'euphémisme de fédéralisme, vers une dictature budgétaire.

Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Tout particulièrement en France, la droite ne parvient pas à convaincre que le modèle social issu de 1945 aurait besoin d'être démoli pour être pérennisé. La subtilité de cette dialectique sarkozyenne échappe aux millions de Français qui se sont mobilisés pour les retraites sans se laisser berner par la propagande de division. L'inquiétude du gouvernement ne doit pas être sous-estimée. Lancer une campagne odieuse sur le thème : les congés maladie des salariés sont responsables de la dette n'est pas, compte tenu de sa grossièreté, un signe de force. Mais elle n'est pas encore un signal de détresse d'un président aux abois. Les derniers mois du quinquennat auront comme ligne de mire la Sécurité sociale et comme argumentaire le contexte européen. Quels buts poursuit PSA quand il n'attend pas finalement l'élection présidentielle pour confirmer quelque 6000 suppressions d'emploi, au risque de gêner le président sortant ? Battre le fer quand il est encore chaud et participer d'un climat de crise facteur d'angoisse ? L'Élysée, Matignon et le MEDEF sont tous sur la même ligne.

La gauche sera-t-elle à la hauteur de l'enjeu historique de 2012 ? Stop ou encore, là est la question. Stop à la démolition sociale et donc renouer avec le progrès social, ou encore d'autres étapes dans la régression. En d'autres termes : logique de rupture ou continuité. C'est au cœur du débat que la gauche doit mener, et que les militants du Front de gauche animent dans tout le pays. La bataille que conduit la majorité de gauche au Sénat, pour restaurer la démocratie dans les collectivités territoriales, pour le droit au repos dominical, pour un budget de soutien à la protection sociale, fait davantage que bousculer l'agent parlementaire de la droite. Elle est un signe positif, optimiste, concret adressé à l'opinion, quand le camp présidentiel se repaît de la désespérance.

(l'Humanité)

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