Jeudi 17 Novembre 2011:
La mondialisation a le dos large
Par Gérard Filoche, inspecteur du travail.
La mondialisation et l'Europe ont parfois bon dos. Elles servent de prétexte à tout et n'importe quoi. Est-ce que c'est la mondialisation et l'Europe qui empêchent d'augmenter nos salaires, de défendre les 35 heures, d'embaucher, d'interdire la précarité ? Non ! Non et non ! Quelle est la branche professionnelle de 850 000 travailleurs qui a les salaires les plus bas, le turn-over et la flexibilité les plus grands, les durées du travail les plus longues, le travail le plus pénible, les maladies professionnelles les plus nombreuses, la convention collective la plus faible, la syndicalisation la plus basse, le travail dissimulé le plus important, la fraude au droit du travail la plus élevée ? C'est la restauration. Elle n'est pas soumise à la compétition internationale. Elle n'est pas en concurrence avec le commis de cuisine indien ou le plongeur chinois... (À moins bien sûr de multiplier les immigrés illégalement maltraités et sous-payés dans le fond des restaurants pour le compte de patrons français impunis.) On peut raisonner pareillement pour le bâtiment, le nettoyage, le gardiennage, les soins aux personnes, etc.
Lors de la mise en place des 35 heures en 2001, une convention collective améliorée supprimant les équivalences avait été négociée et adoptée dans la restauration. François Fillon l'a annulée en 2002-2003. Il n'y avait aucun motif international. La TVA à 5,5 % a été donnée aux restaurateurs, elle coûte 3 milliards d'euros par an, soit l'équivalent de 100 000 emplois de fonctionnaires, c'est le fruit d'une décision du seul gouvernement français et pas de la mondialisation ni de l'Europe !
Nos salaires sont loin d'être les plus élevés d'Europe, nous sommes juste dans la moyenne de l'Union européenne. Nos durées du travail, même avec la durée légale (trop peu respectée) à 35 heures, ne sont pas les plus faibles d'Europe, nous sommes dans la basse moyenne européenne, nous travaillons plus longtemps que les Anglais ou les Allemands par exemple. Nous sommes parmi les plus compétitifs, nous avons un des taux de productivité horaire le plus élevé de la planète : qu'on ne nous dise pas qu'on ne peut pas être mieux payé à cause de la concurrence internationale, c'est un mensonge ! Pareil pour nos retraites : nous avons le taux de natalité le plus élevé d'Europe, en quoi nous comparer avec l'Allemagne qui a le plus bas ? Il faut donner du travail à nos jeunes au lieu de s'exciter à faire travailler plus (et en vain) les seniors. Le Code du travail, les 35 heures, les 60 ans, c'est en France que ça se décide ! Et que les charlatans des officines de droite qui s'auto-intitulent agences de notation aillent au diable !
(L'Humanité Dimanche)