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Lundi 14 Novembre 2011:

 

L'éditorial de Michel Lepinay

Les marchés ou les urnes ?

« Les citoyens vont finir par se révolter contre la dictature des marchés ». Celui qui s'exprimait ainsi ce week-end sait de quoi il parle. Jean-Pierre Jouyet, ancien secrétaire d'État de Nicolas Sarkozy, venu de la gauche, est l'actuel président de l'autorité des marchés. C'est lui qui est chargé de veiller sur leur bon fonctionnement. Et selon lui, les marchés font pression sur le jeu démocratique. Cette déclaration tombe à pic. Parce que l'annonce de la dégradation de la dette française, diffusée par erreur par une agence de notation ce jeudi, a fini d'énerver tout le monde. Le pouvoir de nuisance des Fitch, Moody's, et autre Standard and Poorw, le coupable de la fausse nouvelle, est devenu tout à fait insupportable. Les agences semblent être entrées dans une compétition sans fin dont la prochaine étape est la remise en question de la note triple A dont bénéficient la France.

Visiblement elles s'épient, au point de préparer par avance la dépêche annonçant la nouvelle fatidique. Mais ce n'est pas un jeu ! Une baisse de la note de la France coûterait des dizaines de millions d'euros au pays du fait de la hausse des taux d'intérêt de la note dette, sans que pour autant la solvabilité de la France ait changé. Et du coup, la préservation de ce triple A semble être devenu l'alpha et l'oméga de la politique, chaque camp mettant à l'autre au défi de le préserver, donnant ainsi aux agences qui en décident, et donc aux marchés, un pouvoir totalement usurpé dont on se demande s'il ne supplante pas déjà celui du suffrage universel. Et c'est là qu'est le problème. Les marchés viennent d'avoir la peau de Berlusconi et de Papandréou après celles de l'Irlandais Brian Cohen, en novembre 2010 ou celle du portugais Socrates plus récemment. En Espagne, Zapatero est devenu imprésentable dans son propre parti, qui se prépare à une déculottée électorale historique. Et Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, pourtant prompts à railler l'incompétence des autres, sont au plus mal dans les sondages. Quel est le sens de tout cela ? On peut discuter les qualités des uns et des autres, leur capacité à sortir leur pays de la crise. On peut se demander si le parti socialiste espagnol a pris assez tôt la mesure de la gravité de la situation. Si Nicolas Sarkozy n'a pas eu tort de s'obstiner à baisser les impôts, quand la situation des comptes aurait exigé qu'on mette fin aux cadeaux fiscaux... Mais ce n'est pas pour leur inaction face à la crise que tombent les pouvoirs. Ils tombent parce que les peuples ne supportent plus l'austérité excessive qu'on leur impose... pour satisfaire les marchés, et, il faut le dire, remédier au laxisme antérieur. Ainsi par un mécanisme d'une rare perversité, en s'acharnant sur la dette grecque, les spéculateurs ont contraint Papandréou, pour les satisfaire, à prendre des mesures incroyablement impopulaires, qui l'ont conduit à jeter l'éponge. Rien ne dit qu'on ne resservira pas la même messe à ses successeurs... À moins que les citoyens...

(source Havre Libre)

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