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Mardi 8 Novembre 2011:

 

Les hausses de TVA tuent l'emploi

Par Jean-Christophe Le Duigou (1)

Le président de la République n'écarte pas l'idée de création d'un taux intermédiaire de TVA afin de permettre une plus forte taxation des produits et services imposés aujourd'hui au taux réduit de 5,5 %. Le patronat, de son côté, engage l'offensive afin d'obtenir une réforme du financement de la protection sociale conforme à ses vœux. Laurence Parisot ne cache pas sa volonté : « Le MEDEF va se prononcer d'une manière très claire dans les semaines qui viennent », a-t-elle annoncé. En fait il y a peu de suspense. Le schéma qui guide le patronat et Bercy est connu : une baisse des cotisations employeurs compensée par un surcroît de TVA. Pour faire symétrique, la mesure pourrait être associée à une baisse des cotisations salariales compensée par une hausse de la CSG. Rappelons les données : un point de TVA équivaut à 8 milliards d'euros, un point de CSG à 10 milliards.

Après le débat mort-né visant à la création d'une TVA sociale en 2007, le patronat estime désormais pouvoir gagner la bataille en jouant sur l'argument de la « compétitivité » et celui, éculé, des « charges sociales qui pénalisent l'emploi ». comme si les cotisations sociales étaient prélevées dans les poches patronales ! Alors qu'elles sont, depuis toujours, une partie intégrante de la rémunération que les salariés ont chois de toucher sous une forme socialisée !

Substituer un impôt indirect à des cotisations sociales est une idée simple. Mais comme les notions apparemment simples, elle est en fait trompeuse. Une hausse de la TVA « renchérirait le prix des produits importés et diminuerait le volume des importations », lit-on. Chaque point de TVA supplémentairs procurerait une amélioration de notre commerce extérieur de 0,45 point de PIB, soit environ 9 milliards d'euros. Trois points de TVA sociale, ce qui est souvent préconisé comme première étape, « rapporteraient » ainsi 27 milliards d'euros. Parallèlement, une baisse des cotisations rendrait les productions nationales plus compétitives et permettrait de créer 30 000 à 50 000 emplois. Grâce à cette mesure, les mêmes estiment que « nous ferions payer une partie des dépenses maladie et retraite des Français par les salariés chinois » !

Cela a de quoi séduire mais c'est évidemment faux. L'institut patronal Rexecode, lui-même dans une étude de 2005, montrait « les limites de ce raisonnement ». Les prometteurs de cette réforme oublient que trois points de TVA représentent un prélèvement sur la consommation des ménages de 24 milliards d'euros. Même si l'on réduisait en proportion les cotisations sociales, la hausse de prix sur tous les produits serait importante. En augmentant la TVA, on ne taxe pas seulement les importations mais on fait payer par les consommateurs tous les produits et services plus cher. Ce sont donc les ménages qui régleraient par ce canal l'octroi d'une nouvelle baisse des cotisations sociales qui ferait seulement le bonheur des entreprises et de leurs actionnaires.

Illusoire et coûteuses, cette hausse du taux de TVA a de plus pour inconvénient d'accroître les inégalités. Chacun sait en effet que le prélèvement indirect est inversement proportionnel au revenu. Il est plus important pour une famille ouvrière. Il est plus faible pour un ménage privilégié. La différence n'est pas minime. Les 10 % de ménages les plus modestes paient 16,6 % d'impôts indirects par rapport à leur revenus. Les 10 % de ménages les plus favorisés n'en acquittent que 7,6 %, soit plus de deux fois moins ! Donc le contraire de la justice.

Quant à la hausse de la CSG, nous avons déjà l'expérience. La CSG repose à 90 % sur les revenus salariaux et les retraites. Comme le salaire net n'a jamais augmenté à due proportion de la baisse des cotisations annoncée en contrepartie, le salarié a toujours été perdant. Le « trésor caché » que fait miroiter le MEDEF est une fois de plus dans les poches des salariés que l'on veut un peu plus vider pour remplir celles des actionnaires.

Une chose est sûre, le salarié paierait deux fois, d'abord au travers de la TVA, ensuite par le biais de la CSG. Il risque par contre d'attendre longtemps la hausse du salaire promise ! Hausse des prix, baisse du pouvoir d'achat, réduction de la consommation, l'équation déboucherait inévitablement sur une baisse du niveau de vie et de l'emploi.

(1) Économiste et syndicaliste.

(source L'Humanité Dimanche,du 3 novembre 2011)

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