> Presse  Le garrot ou la porte

 

Vendredi 4 Novembre 2011:

 

Éditorial

Le garrot ou la porte

Par Jean-Paul Piérot

Nicolas Sarkozy termine son quinquennat comme il l'a commencé. À peine élu, au printemps 2007, le président de la République s'était fait le porte-voix des dirigeants de l'Union européenne pour effacer le vote des Français qui avaient rejeté le projet de constitution européenne, en mai 2005. Aujourd'hui, c'est le peuple grec qui fait l'objet d'un chantage éhonté et d'une ingérence inadmissible de la part du duo Sarkozy-Merkel à l'heure où se tient, à Cannes, un sommet du G20 dominé par la crise de la zone euro...

À la proposition énoncée mardi par Georges Papandréou d'organiser un référendum sur le nouveau plan d'austérité conditionnant l'aide de l'UE à son pays, le président français et la chancelière allemande ont opposé leur prétention commune à en formuler les termes de la question et la date de la consultation. Au mépris et à l'humiliation, s'ajoute une grossière tentative d'enfermer la Grèce dans un faux dilemme : ce n'est pas le plan européen du 27 octobre qui serait soumis au suffrage des citoyens, mais le maintien ou non de la Grèce dans la zone euro ! En d'autres termes : « Acceptez de nouvelles souffrances ou partez ! » La « résistance » de Papandréou aura été de courte durée. Dès hier, il faisait savoir qu'il était prêt à renoncer à son projet. C'est le temps des diktats et des menaces. « Nous ne verserons plus d'un centime », a déclaré Nicolas Sarkozy au premier ministre grec. Nous sommes désormais bien loin des professions de foi enflammées en faveur d'une construction européenne facteur de progrès social, de solidarité et de paix. Évanoui le progrès social, quand on pousse des pans entiers de la population grecque dans la pauvreté, quand on coupe dans les retraites et quand on réduit l'accès aux médicaments... Piétinée la solidarité, quand le ministre français des Affaires européennes, Jean Leonetti, déclare qu'« on peut se passer de la Grèce ».

La paix cède la place aux conflits économiques et aux plans drastiques, dignes d'un régime de guerre. Les destructeurs de l'idée européenne sont au pouvoir, à Bruxelles, Paris et Berlin. Une fois de plus, les eurolibéraux sont pris la main dans le sac. Ils ne supportent rien moins que la démocratie. Que les peuples réclament d'être consultés sur leur propre avenir, et voilà que, d'une seule voix, Nicolas Sarkozy et Christine Lagarde, directrice générale du FMI, parmi d'autres, frémissent devant cette outrecuidance. De son côté, Georges Papandréou découvre bien trop tard les vertus de la démocratie pour que l'on ne voie pas dans son annonce éphémère de référendum une manoeuvre visant à s'extraire de la nasse où il est emmêlé et de son isolement vis-à-vis de ses concitoyens, qui lui reprochent fort justement d'avoir jusqu'à présent accepté tous les plans d'austérité. Et le monde du travail, les retraités, les jeunes, les familles modestes n'en peuvent plus. Le gouvernement socialiste, bousculé par la colère sociale et affaibli par des défections internes, semblait, hier, vivre ses dernières heures, alors que des voix réclament la formation d'un cabinet d'union nationale, c'est-à-dire réunissant le parti socialiste PASOK à la droite (Nea Demokratia), qui serait plus fort pour tenter de serrer d'un nouveau cran le carcan qui étouffe le peuple grec. Mais la limite du supportable à peut-être déjà été franchie, et les responsables politiques auront sans doute du mal à éviter de nouvelles élections générales, qui permettront d'établir un débat public et émergence – pourquoi pas ?- d'idées alternatives autres que le garrot ou la porte.

(source l'Humanité)

  haut de page