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Lundi 31 Octobre 2011:
L'effrayant « testament » de Jean-Claude Trichet Par Francis Wurtz (1) Le président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, achève son mandat de 8 ans ces jours-ci. Avant de tirer sa révérence, le « patron » de la plus puissante institution européenne a voulu prononcer son « testament politique ». Il avait saisi, dès juin dernier, l'occasion de la cérémonie où lui avait été décerné en grande pompe le « prix Charlemagne » (cela ne s'invente pas...) à Aix-la-Chapelle (Allemagne) pour dresser le bilan de son action et présenter sa vision de l'avenir de la construction européenne. Effrayant. Or, étant donné le prestige dont il jouit dans la classe dirigeante européenne, ses idées personnelles risquent fort d'être retenues comme paroles d'évangile par les élites en plein désarroi face à l'emballement de la crise d'un système qui leur échappe chaque jour un peu plus. Mieux vaut donc y voir de plus près. Petit retour en arrière éloquent. Son appréciation de son propre bilan est simple à résumer : il est indiscutable ! « L'UEM (Union économique et monétaire) a apporté la croissance (…), a été bénéfique à l'emploi (…), a apporté la stabilité des prix (…) et la stabilité monétaire. L'euro est une monnaie forte et crédible à laquelle nos concitoyens, les investisseurs et les épargnants accordent toute leur confiance. » Fermez le ban ! Sachez donc, mes chers concitoyens lecteurs, que vous avez confiance dans la gestion actuelle de l'euro et dans ses bienfaits sur l'emploi, les prix et l'économie elle-même. Voilà pour le présent. Mais quelles leçons propose-il aux leaders européens de tirer, pour l'avenir, de la catastrophe dans laquelle s'enfonce son Europe ? « Il conviendrait de prévoir à moyen terme deux états pour les pays en difficulté. Bien évidemment, cela impliquerait de modifier le traité», avance M. Trichet. La « première étape » reviendrait à faire comme aujourd'hui : exiger des pays bénéficiant d'une « assistance financière » qu'ils possèdent eux-mêmes à un « ajustement structurel de l'économie ». Mais si, par la suite, un pays n'atteint pas « les résultats attendus », la deuxième étape « devra être d'une tout autre nature » : il reviendrait alors aux « autorités européennes » de prendre, à la place des responsables et des élus nationaux, les « décisions de politique économique nationale », en particulier en ce qui concerne le budget et « les facteurs déterminants pour la compétitivité du pays ». Une mise sous tutelle pure et simple qu'un ancien commissaire européen italien, Mario Monti, pourtant lui-même très libéral, n'a pas hésité à comparer à celle que, sous le fascisme des années 1920, dans son pays, le « podestat » était chargé d'exercer dans chaque ville à la place des organes démocratiques ! Voilà le type de dérive ultra-centraliste et autoritaire que cache la rhétorique sur l'urgence d'un « saut fédéral ». Il est vital de l'enrayer. Problème : à ce jour, entre les pressions des marchés financiers et l'intervention des peuples, le déséquilibre est patent. Certes, les mobilisations populaires en Grèce sont impressionnantes : certes, de puissantes luttes sociales ont lieu au Portugal ; certes, le mouvement des Indignés fait tâche d'huile. C'est la dimension politique, celle d'un... front de gauche, porteur d'un projet alternatif pour l'Europe, dans lequel des millions d'Européens puissent se reconnaître, qui fait encore défaut. Un pas décisif dans cette voie peut être franchi en 2012. (1) Député honoraire du Parlement européen. (source L' Humanité Dimanche)
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