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Vendredi 21 Octobre 2011:

 

Éditorial

L'appel de Châteaubriant

Par Jean-Paul Piérot

Soixante-dix ans ont passé mais le regard de ces hommes, tourné vers un avenir qui leur fut refusé, n'a pas cessé de nous interpeller.

« Vous qui restez, soyez dignes de nous, les 27 qui allons mourir. » Cette phrase, extraite de la dernière lettre d'un adolescent de dix-sept ans, Guy Môquet, « notre Guy », comme l'appelaient affectueusement ses aînés, frères de combat et de détention, demeure une invitation adressée aux jeunes d'aujourd'hui à porter, dans des conditions moins cruelles, cet idéal de justice et de fraternité qui unissait les otages de Châteaubriant. Et c'est précisément cet engagement qui leur a valu d'être sélectionnés par des représentants de la droite pétainiste pour être assassinés par l'occupant nazi. Ceux qui, en 1936, clamaient « plutôt Hitler que le Front populaire » mirent leur projet à exécution.

Les otages de Châteaubriant constituent tous ensemble une représentation du monde du travail, de l'ouvrier au médecin, de l'artisan au professeur. Leurs vies brutalement interrompues avaient été jalonnées d'actes de courage et de détermination, des brigades internationales à la manifestation des étudiants le 11 novembre 940. Ils avaient aussi souvent participé aux occupations d'usines en 1936. Tous ou presque étaient communistes, syndicalistes, et n'avaient pas attendu pour entrer en résistance. L'engagement de la classe ouvrière, des communistes, de la CGT dans la lutte concrète contre le nazisme – que ce fut avec des journaux clandestins ou les armes à la main - marqua de son emprunte le contenu social de la Libération qui devait triompher trois ans après la tuerie de Châteaubriant. Aujourd'hui, dans une époque où la droite s'attaque point par point au programme du Conseil national de la Résistance, la mémoire des vingt-sept est une exhortation pour les jeunes, pour le monde ouvrier d'aujourd'hui à ne pas céder.

La Résistance demeure un enjeu politique. Nicolas Sarkozy en avait administré la preuve en tentant d'instrumentaliser, en la dépolitisant, la mémoire de Guy Môquet. À grand renfort de communication, il annonça que sa dernière lettre serait lue chaque année dans les lycées. L'initiative s'évanouit avec la fin de l'année 2007. En ce quinquennat finissant, l'hôte de l'Élysée voudrait faire oublier qu'il fut élu après s'être posé en « candidat du pouvoir d'achat », de « la France qui se lève tôt ». Aujourd'hui, il cherche une issue pour échapper au jugement sévère des électeurs dans la dramatisation de la crise européenne qui justifierait de nouvelles mesures d'austérité contre la France populaire. Entretenir la mémoire des héros de Châteaubriant, ce n'est pas seulement commémorer mais continuer leur combat, s'efforcer d'en être dignes.

(source l'Humanité)

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