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Lundi 3 Octobre 2011:

 

Éditorial

Horribilis

Par Maurice Ulrich

« Tout m'afflige et me nuit et conspire à me nuire »... Ce n'est pas encore demain, sauf coup de théâtre, que l'on verra Nicolas Sarkozy parcourir en citant Racine les couloirs désertés du palais de l'Élysée. Il n'empêche. Les affaires frôlent le président, et touchent directement les cercles les plus rapprochés de ses amitiés, le juge Courroye au fidèle d'entre les fidèles, Brice Hortefeux. Affaire Bettencourt, affaire Karachi...

La perte du Sénat est venue samedi couronner d'épines, si l'on ose dire, une semaine horribilis.

Voici donc que réapparaissent les « éléments de langage » de la part des gardiens du château. Pour David Douillet, par ailleurs occupé à se justifier de ses propos misogynes de vestiaire, « cet homme est injustement décrié », pour Brice Hortefeux, homme de foi comme on sait, tout cela n'est « qu'un rideau de fumée » pour masquer l'action du président. Et de taper à bras raccourcis sur la gauche avec laquelle ce serait

« la faillite assurée », qui « viderait les caisses », lesquelles ont déjà été largement allégées par les cadeaux fiscaux faits aux riches. D'autres, toutefois, n'hésitent pas à lui accorder un soutien, comment dire, relatif. Ainsi Alain Juppé qui affirme : « Je vais l'aider sans ambiguïté », pour ajouter qu'il ne se pense pas du tout en recours « s'il est candidat ». La phrase et son conditionnel ayant fait aussitôt le tour des rédactions et les délices des dîners en ville. En réalité, le scénario n'est pas écrit pour que la droite change de cheval.

La bataille commence, déclarait François Fillon, dès la victoire de la gauche au Sénat. La bataille avec Nicolas Sarkozy à sa tête. De ce point de vue, la victoire de la gauche au Sénat, aussi importante soit-elle, et elle l'est, si elle est un camouflet pour le chef de l'État et une lourde défaite pour la droite, ne signifie en rien qu'il n'y aurait plus au printemps prochain qu'à recueillir la promesse des fleurs de cet été indien. On l'a souvent dit, l'élection présidentielle serait la rencontre d'un homme (ou d'une femme) avec le pays. C'est du moins ainsi que cela a fonctionné jusqu'alors et comme cela que le PS aborde l'élection. Hier, Martine Aubry innovait dans la campagne des primaires en faisant jouer son expérience de ministre, de numéro trois de Péchiney et d'élue d'une grande métropole, contre le manque supposé d'expérience de François Hollande. À ce train et dans cette optique de personnalisation à la présidentielle, les candidats socialistes vont-ils être désormais les premiers artisans de leur décrédibilisation, faisant ainsi le jeu d'une droite qui ne cesse d'en rajouter sur les qualités d'homme d'État international du président et son expérience (dans la casse du modèle social).

Les primaires sont certes l'affaire du PS, mais la façon dont ces débats se mènent concerne toute la gauche. Le Front de gauche a un candidat, Jean-Luc Mélenchon, et c'est bien lui qui va porter à cette élection les espoirs de vrais changements qu'attendent les Français. En même temps, le Front de gauche n'est pas dans cette logique de présidentialisme, mais dans une démarche de construction collective d'une véritable alternative. Autour de Jean-Luc Mélenchon, autour de ses candidats aux élections législatives, mais aussi au sein de toute la gauche. Avec ses différences, elle a le devoir de présenter aux Français de véritables politiques alternatives à celles de la droite. Le devoir d'être de gauche.

(source l'Humanité)

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