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Jeudi 29 Septembre 2011:
Éditorial Question d'arithmétique Par Paule Masson En ce moment, l'UMP affectionne les mathématiques. Depuis dimanche soir, les cadres du parti présidentiel se succèdent aux micros pour répéter en boucle que la défaite de la droite aux élections sénatoriales, c'est « arithmétique ». Puisqu'il y a plus d'élus de gauche dans les collectivités territoriales, il y a plus de grands électeurs naturellement portés à voter à gauche. Côté additions, ils nous font depuis trois jours démonstration de leur savoir. Mais, beaucoup, à commencer par Luc Chatel, ont dû faire l'école buissonnière pendant l'étude de la soustraction. Car le ministre de l'Éducation nationale répète à l'envi que moins de moyens, c'est plus éducation. En maths, quand on multiplie moins par plus, ça donne moins. Les enseignants, eux, le savent depuis longtemps, et manifestent pour défendre une idée de l'école qui offre toujours plus de savoirs, contribue à élever le niveau de qualification de toute la société et forme les enfants à devenir pleinement citoyens. Ce qui nécessite de discuter des moyens que l'on est prêt à consacrer à ce projet, en commençant par l'abandon immédiat de la règle arithmétique de non-remplacement d'un départ en retraite sur deux dans l'éducation nationale. Les manifestations d'hier montrent que le débat sur l'école est en train de changer de nature. Il n'est plus seulement l'affaire de professeurs, d'instituteurs, de salariés qui défendent le service public. Il devient un débat de société, et c'est cette dimension qui explique, pour une grande part, l'élargissement de la mobilisation, enseignants du public et du privé, une première, mais aussi des parents, des jeunes et, surtout, une opinion publique en train de comprendre que le point de rupture est atteint. La France a été un des pays pionniers dans l'instauration d'une école gratuite, laïque, qui s'adressant à toutes et tous, fut un des moteurs de l'ascenseur social et un des marqueurs du niveau de développement économique. Mais la marchandisation de l'éducation est en marche et, mois après mois, les études accumulent les signes de régression. Notre système éducatif est devenu élitiste. Le nombre d'enfants d'ouvriers qui entrent dans le supérieur recule. Loin d'offrir ses chances à chacun, il est maintenant source d'accroissement des inégalités. Le taux de scolarisation des adolescents est en baisse. Les matières qui forgent l'esprit critique (l'histoire, l'art, les sciences sociales...) sont attaquées et le gouvernement plaide pour réintroduire la morale. On n'a même plus la bosse des maths, puisque la France est le pays de l'OCDE qui a le plus régressé pour les performances mathématiques de ses élèves de quinze ans. Sans vouloir faire de mauvais calculs, comment ne pas accoler à ces données celles de la statistique : les dépenses d'enseignement primaire et secondaire ne représentaient plus, en 2008, que 3,9 % du PIB, contre 4,3 % en 2000. Alors oui, l'éducation a besoin de moyens. Comme la culture d'ailleurs. C'est même une urgence pour penser un projet de vivre ensemble qui valorise tous les savoirs, porte haut l'ambition d'émancipation de chacun, laisse place à la fortification des esprits critiques, encourage la construction des opinions... Le pari déjà réussi du monde éducatif est d'avoir incrusté cette question dans le débat présidentiel. (source l'Humanité)
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