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Mercredi 28 Septembre 2011:

 

Sans Assedic ni retraite, le drame social des ex-Renault

Ils ont quitté « volontairement » l'entreprise en 2009, avec l'assurance d'être pris en charge par les Assedic jusqu'à leur départ en retraite, à 60 ans. Mais la réforme de 2010 a reculé l'âge légal de la retraite... Témoignages à l'usine de Flins.

 

« Tout était calé », répètent-elles à l'unisson. C'était en 2009. Après près de quatre décennies de labeur, Martine, Régine, Agnès et Carmen, salariées de l'usine Renault de Flins (Yvelines), se voient offrir de décrocher un peu avant l'âge de la retraite, dans une relative sécurité économique. Confronté à la récession, le constructeur a lancé un plan de départs volontaires pour réduire massivement ses effectifs. Si elles signent, Martine et ses collègues percevront une prime, puis s'inscriront à Pôle emploi qui leur garantira 36 mois d'indemnisation chômage. Le temps, grosso modo, d'atteindre l'âge du départ en retraite. Elles n'hésitent guère.

« On ne pense qu'à une chose, partir »

« J'allais gagner trois ans sur la retraite. J'en avais marre. J'ai commencé à dix-sept ans à la Régie, jusqu'à 56 ans passés... » dit l'une. « Ce plan, c'était une façon de se libérer de tout un tas de choses. Arrivé à 57-58 ans, on ne tient plus. Les horaires, c'est 5 h 25 le matin,, ou bien 20 h 45 le soir... » opine l'autre. « Après trente-neuf ans de travail chez Renault, on ne pense qu'à une chose, partir. L'ambiance a changé. On a du mal à se reconnaître dans l'entreprise... Ils se sont servis de ça pour que les anciens s'en aillent », souligne Yves, qui était délégué CGT. À Flins, quatre cents salariés sont partis dans le cadre du plan Renault volontariat (PRV). Quatre mille sur l'ensemble du groupe. Combien de seniors parmi eux ? La firme ne communique guère sur le sujet. Plutôt gênée aux entournures. Car il lui faut maintenant faire face un véritable scandale.

Un an après le PRV, la réforme des retraites est tombée, retardant l'âge légal de la retraite de 60 à 62 ans (à raison de quatre mois par an). « Avec les trente-six mois d'Assedic, le plan m'amenait en novembre 2013, à l'âge de mes 60 ans, l'âge légal de départ. Mais avec la réforme des retraites, je n'aurai l'âge de départ qu'en novembre 2014 », détaille Carmen. Qui se retrouve donc, comme ses collègues, devant la perspective de rester douze mois sans revenus. Ni indemnisation chômage. Ni pension de retraite. « On n'aura plus de numéro de Sécu, faudra prendre celui de notre mari », prévoit Agnès. De quoi nourrir de l'amertume : « Si on avait été prévenus, je ne pense pas qu'on serait partis. On nous disait bien : "Vous avez 56 ans, vous avez droit au chômage pendant trois ans, ensuite vous êtes en retraite" », se remémore Martine. Dans son cas, le plan la conduisait, avec la couverture Assedic, jusqu'en mars 2013 : « J'aurai 60 ans en juillet 2013. Quand j'ai signé, je savais donc que je serais cinq mois sans indemnités. Je me disais, cinq mois, ça va passer. Mais avec la réforme, ce sera douze mois sans revenus de plus. » La perspective d'une totale sécurité se fait déjà lourdement sentir. « Depuis qu'on est partis, je me suis fait un sang d'encre. Ça m'a causé des soucis à la maison. Et en décembre, j'ai fait un AVC », confie Carmen, qui ajoute : « Il y a des choses néfastes qui tournent dans notre tête. On se demande pourquoi les gens, quelquefois, se font des mauvais coups... »

À ce jour, 25 anciens salariés de Flins dans cette situation se sont déjà fait connaître du syndicat CGT, qui les soutient. À Sandouville, ils sont une centaine dans le même cas. Sans épargner le gouvernement qui, sachant qu'il préparait une nouvelle réforme des retraites, « n'aurait pas dû signer le PRV », tous attendent de Renault qu'il les « prenne en charge » jusqu'à la retraite. Après avoir feint l'irresponsabilité (« les salariés qui sont partis n'ont plus de liens contractuels avec l'entreprise », ajoute-t-elle), la direction envisage de leur proposer... des missions d'intérim, leur permettant de faire la transition jusqu'à l'obtention de la retraite à taux plein. « Les gens le vivent mal. Pour eux, il est hors de question de remettre les chaussures de sécurité. Renault a les moyens de payer ! » indique Nicolas Guermonprez, de la CGT Sandouville.

Yves Housson

(source l'Humanité)

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