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Mercredi 28 Septembre 2011:

 

Handicap : Branle-bas de combat pour l'accessibilité

Des centaines de manifestants se sont mobilisés hier dans quarante villes de France pour fustiger les dérogations qui mettent à mal les objectifs d'accessibilité fixés par la loi sur le handicap en 2005. Reportage à Paris.

« On ne laissera pas enterrer la loi de 2005 sur l'accessibilité ! » lance un manifestant. Batteries, trompettes et maracas, mais surtout, des bâtons rouges pour parasiter l'avancée du cercueil, porté à bout de bras par des croque-morts estampillés « lobbies », « députés » et « sénateurs », sur fond de requiem. Devant le Sénat, à Paris, la journée d'action organisée par l'Association des paralysés de France (APF) a beau s'être offert les atours d'une marche funèbre, elle n'en demeure pas moins festive et combative. La petite place Paul-Claudel, comble, vibre au rythme des slogans guerriers.

L'APF a, il faut le dire, quelques bonnes raisons de s'inquiéter. La loi handicap de 2005, qui avait renforcé et rendu obligatoire la mise en accessibilité de tous les bâtiments recevant du public, en 2015 dernier délai, est sacrément mise à mal. Le Parlement avait en effet voté, au printemps, une proposition de loi UMP introduisant la possibilité de déroger à l'obligation de rendre accessibles les bâtiments publics neufs aux handicapés. Or si la disposition a fini par être censurée fin juillet par le Conseil constitutionnel, l'UMP persiste et signe. S'appuyant sur un rapport du sénateur Éric Doligé, une nouvelle proposition de loi prévoit désormais d'autres dérogations en matière d'accessibilité pour les bâtiments publics existants, parce que le coût des travaux serait trop élevé pour les collectivités locales.

« Ce recul historique est une aberration »

« Les dérogations, c'est un recul social, l'isolement des personnes, l'exclusion pour nous de la société. Nous ne pouvons accepter que le délai de 2015 soit vidé de son sens car nous attendons depuis trente-six ans de vivre dans un pays accessible à tous », s'est emporté Jean-Marie Barbier, président de l'APF, face à la foule. À ses yeux, les arguments avancés pour justifier ces dérogations sont fallacieux, notamment ceux de certains architectes. « On peut se demander si c'est un manque de formation technique ou de la mauvaise foi intellectuelle », glisse-t-il, cinglant.

« Je n'en peux plus de devoir passer par le local à poubelles, d'être séparée de mon fils et parquée avec les autres handicapés quand je vais voir un spectacle. » Bien campée dans son fauteuil, Anne Lesage est venue depuis Saint-Quentin-en-Yvelines. Très remontée. « Aujourd'hui, on fait même des dérogations pour la construction de bâtiments neufs. Alors que la Banque mondiale elle-même a reconnu que l'éventuel surcoût des travaux d'accessibilité n'excédait pas 1 % du prix de la construction, on nous cite l'exemple de situations marginales, comme la construction de vestiaires sportifs. C'est du sabotage ! »

Pour Claude Blain, hémiplégique, ce recul historique est une aberration. « Il est temps de comprendre que ce qui est bon pour les personnes handicapées est aussi un progrès pour les autres : les mamans avec des poussettes, les personnes âgées, les blessés temporaires. Sans compter que les normes permettent aussi de construire des logements de qualité, et qu'à long terme, tout le monde en profite. » Sans doute une manière un peu trop utopiste de penser la ville... et la vie en société.

Flora Beillouin

(source l'Humanité)

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