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Samedi 17 Septembre 2011:
Éditorial Sur les lignes de fracture de la crise Par Patrick Apele-Muller Le chaudron de la crise bouillonne, lâchant des nuées de vapeurs toxiques contre l'emploi, les salaires, le progrès social. Les marchés financiers se convulsent, tremblant d'impatience devant la perspective de nouveaux profits, chu du chaos et des gâchis monstrueux de valeurs. Les banques françaises qui se sont lancées à l'assaut des dettes souveraines en paient aujourd'hui le prix, elles qui voulaient s'engraisser des intérêts colossaux réglés par les États. Les dirigeants européens ont déjà tant cédé aux grands intérêts qu'il ne leur vient même plus l'idée de résister ; ils appliquent l'austérité qu'on leur a réclamée et veulent enlever aux peuples le pouvoir de dire non en instaurant « règle d'or » et en échafaudant des modes de gouvernance autoritaires et bureaucratiques. « Big Brother » fait de l'économie... Le miracle des remèdes libéraux s'évanouit. La nature même du système est de plus en plus contestée. La gauche est attendue à ce tournant, celui des revendications sociales et d'un nouvel élan de civilisation pour surmonter l'impasse capitaliste. La primaire socialiste dans sa première étape qui s'achevait hier soir avec le débat entre prétendants n'a pas répondu à ce défi. Les principaux candidats ont rivalisé en protestations d'attachement à la rigueur. Ce n'est pourtant pas ce qu'attend l'électorat de gauche, ainsi que le montre notre sondage Harris Interactif. François Hollande a-t-il senti ce décalage de l'opinion en effectuant un tête-à-queue sur l'enseignement, d'abord converti aux suppressions de postes d'enseignants prônées par Nicolas Sarkozy, puis partisan de 70 000 créations d'emplois ? Souterrainement encore, le débat parcourt le PS mais la mécanique de personnalisation des enjeux engendrée par la primaire le relègue derrière les querelles d'ego. La Fête de l'Humanité qui s'est ouverte hier soir s'est, au contraire, mise à l'unisson des interrogations et des confrontations sur un changement profond de société. Toutes les sensibilités de la gauche vont s'y livrer au difficile exercice des propositions et on peut compter sur la dynamique du Front de gauche pour que tout soit mis sur la table. Son programme partagé qui sera vendu à des milliers d'exemplaires sera décortiqué et porté par Jean-Luc Mélenchon, candidat à la présidentielle, les candidats aux législatives et par tous ceux qui, avec les formations qui ont initié ce rassemblement, veulent une alternative véritable. Cette Fête débattra du « pari communiste » choisi par Pierre Laurent, des révolutions arabes, de la peine de mort, des luttes européennes contre l'austérité avec des Indignés d'Espagne, de Grèce ou de France, de l'industrie et de la culture, de la rentrée littéraire et de la géopolitique. C'est un forum géant où la réappropriation populaire de la politique est un fait. On se souvient alors de la phrase d'Aragon : « La parole n'a pas été donné à l'homme, il l'a prise. » La Courneuve est tout cela et bien plus encore, un lieu unique où un arc-en-ciel culturel est accessible à un prix populaire. La Fête se voue aussi au plaisir des sens, celui d'admirer une oeuvre d'art et d'assister à un spectacle, de déguster un conflit et de se délecter d'un Meursault, celui de l'amitié et de l'amour souvent. Baudelaire jugeait que la « révolution a été faite par des voluptueux ». Pourquoi pas ? (source l'Humanité)
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