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Lundi 12 Septembre 2011:
Qui a coupé les moteurs de la croissance ? Par Jean-Christophe Le Duigou (1) Ce n'est pas encore la récession, mais la spirale dépressive s'enclenche. Le gouvernement français, comme nombre de ses homologues européens, a été contraint la semaine dernière de revoir à la baisse ses prévisions économiques. L'objectif de 2,5 % de croissance pour 2011 et 2012 est officiellement abandonné. Les pouvoirs publics parient désormais sur un taux de 1,75 % pour l'année en cours. Le chiffre paraît encore surestimé. Pour atteindre le nouvel objectif, il faudrait en effet, après un deuxième trimestre atome, que la France connaisse un taux de croissance de 0,5 % au cours de chacun des 2 derniers trimestres de l'année. Autant dire « mission impossible ». Pire, à ce rythme, au bout de 3 ans, on aurait tout juste rattrapé le plongeon de la production enregistré au cours de la seule année 2009. La première cause de cette situation, la cure d'austérité. L'État réduit ses dépenses et augmente ses prélèvements. La consommation des ménages cale en raison de la perte de pouvoir d'achat et d'un chômage élevé. Les entreprises resteraient les seules à pouvoir stimuler l'activité. Mais comment investir sans le concours des banques et pourquoi le faire si la consommation stagne ? Après les effets temporaires de la relance, tous les moteurs de la croissance sont mis à l'arrêt. La France retrouve, au mieux, après le choc de 2008-2009, le rythme de croissance lent qui a été le sien depuis 10 ans. Rien qui ne permette de résoudre les problèmes d'endettement et de chômage. Ce marasme, qui n'est pas spécifique à la France, signifie qu'existent désormais ce que les économistes appellent « des obstacles structurels à la croissance ». En cause, un mode de développement économique, social et écologique qu'il faut repenser au plan européen et mondial. Mais, dans ces obstacles, il est aussi possible de relever plusieurs dimensions spécifiques à notre pays. Il faut au premier rang mentionner la vague impressionnante de désindustrialisation qui a provoqué une forte dégradation de notre balance commerciale et une perte de 1,5 millions d'emplois. Baisse du nombre d'emplois et dégradations de la qualité de ceux-ci sont allées de pair. Ainsi, ce qu'il faut désormais appeler « l'effondrement de l'industrie » explique pour les trois quarts la déformation du partage de la valeur ajoutée au détriment des salariés. La difficulté rencontrée par les jeunes à s'insérer dans un emploi stable permettant de se construire un avenir est une deuxième spécialité française. Le chômage des jeunes est 2,5 fois plus élevé que celui de la moyenne de la population. Trois jeunes sur quatre sont sur un emploi à temps partiel ou précaire. Ce « précariat » qui frappe les jeunes est désormais une calamité sociale. Mais, en gâchant l'atout de la jeunesse, il est aussi devenu un handicap économique. En troisième lieu le faut souligner l'obstacle que représente le prix excessif de l'immobilier. Ce dernier a été multiplié par 2,5 depuis le milieu des années 1990. Mais alors qu'il est en net recul dans la plupart des pays depuis 2008, il a retrouvé son niveau maximum en France. Il bloque la construction de logements neufs accessibles et fait que les dépenses de logement occupent désormais la place la plus importante dans le budget des ménages. Ajoutons en quatrième lieu le rôle des grands groupes, notamment ceux du CAC 40, qui dans leur majorité se désintéressent durablement du devenir de l'économie des territoires, des petites et moyennes entreprises. Accumulant les milliards de bénéfices par une activité essentiellement développée à l'étranger, ils renoncent à investir en France et se désintéressent de projets dans les régions, participant ainsi à la dévitalisation du tissu économique. S'il faut parler de réformes structurelles à opérer, il ne s'agit pas de se polariser sur celles que l'on veut une fois de plus appliquer au marché du travail, mais de donner la priorité à celles qui concernent la politique industrielle, les choix de gestion des entreprises, le rôle des banques, de la fiscalité ou la situation de la jeunesse. Ce sont ces réformes bien comprises qui doivent l'emporter sur le culte actuel des plans d'austérité qui nous conduit dans le mur. Vouloir donner du souffle à une nouvelle croissance n'est moins que jamais un péché ! (1) Économiste et syndicaliste. (source L'Humanité Dimanche)
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