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Samedi 10 Septembre 2011:

 

Éditorial

Fin d'un cycle ?

Par Jean-Paul Piérot

Sommes-nous sortis de l'après-11 septembre? Au lendemain des attentats, une question barrait la une de l'Humanité : « Quel monde après ça ? » Au-delà de l'effarement, de l'horreur ressentie en voyant ces employés du World Trade Center se précipiter dans la mort et de la compassion à l'égard des familles de victimes, des millions de citoyens des États-Unis se sont demandé : « pourquoi nous haïssent-ils tant ? » Derrière ce « ils », se nichait une confusion entre l'action monstrueuse de terroristes bien définis et la vision du monde extérieur. Derrière ce « ils », une partie des Américains percevaient comme un écho défiguré des désordres d'un monde, marqué par l'injustice, les frustrations et les ressentiments accumulés à l'encontre de la première puissance économique et militaire de la planète. Mais Ben Laden n'était pas un révolté et encore moins un libérateur. Sujet du royaume allié d'Arabie saoudite, il avait été le jouet de l'administration américaine tant qu'il faisait la guerre aux Soviétiques en Afghanistan. L'islamisme politique, dangereux avatar de la désespérance et ennemi mortel des politiques progressistes, n'avait pas toujours été dans le viseur des stratèges américains. Bien au contraire.

Les États-Unis ont répondu de la pire manière aux questions graves que posait le choc du 11 septembre 2001. Les néoconservateurs alors au pouvoir ont saisi l'occasion que leur offraient les instigateurs des attentats pour engager le monde occidental dans une véritable croisade au nom de la théorie dangereusement farfelue du « choc des civilisations ». Les années Bush furent parmi les plus sombres de l'histoire contemporaine aux États-Unis. L'Europe a suivi Bush dans l'aventure guerrière en Afghanistan, dont le bilan, dix ans après, est édifiant : les talibans que l'Otan prétendait bouter hors du sol afghan ont renforcé leur influence sur le terrain et les promesses d'un État de droit et d'aide au développement ne sont toujours pas au rendez-vous.

Sur la base de mensonges qu'une grande partie des occidentaux ont fait semblant de croire – cette fois-ci à la notable exception de la France -, Bush a conduit en Irak une guerre de destruction massive dont le pays porte pour longtemps les stigmates. Cette politique a fort logiquement encouragé les plus bellicistes en Israël qui ont étouffé dans l'oeuf le processus de paix avec les Palestiniens. George Bush a laissé derrière lui un monde plus dangereux, plus instable, plus injuste. L'Amérique, avec l'élection de Barack Obama, a tourné les pages les plus sinistres du règne des néoconservateurs. La nouvelle administration a mis fin au scandale de l'internement au camp de Guantanamo, où Bush autorisait la torture, les troupes américaines se sont désengagées de l'Irak et la question du retrait d'Afghanistan est sur la table.

Mais surtout, ce sont les peuples arabes qui ont infligé la plus grande défaite politique à l'ex-président américain, en s'engageant dans des révolutions démocratiques, exemplaires en Tunisie et en Égypte, qui ont laissé de côté les promoteurs de l'ordre islamiste. On voudrait espérer que le cycle Bush-Ben Laden est définitivement clos, que l'ONU elle-même sortira de sa tutelle en décidant d'admettre dans ses rangs la Palestine, lors de l'Assemblée générale qui s'ouvre dans deux semaines à New York. Les peuples sont peut-être en train de reprendre l'initiative. Les manifestations sociales massives qui se succèdent en Israël ajoutent une touche d'espoir sur ce tableau du monde. Mais rien n'est écrit d'avance.

(source l'Humanité)

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