> Presse  La vigie prend peur

 

Jeudi 8 Septembre 2011:

 

Éditorial

La vigie prend peur

Par Jean-Paul Piérot

La gauche aborde le renouvellement partiel du Sénat, le 25 septembre prochain, avec quelques raisons d'espérer un changement de majorité. Une révolution copernicienne au palais du Luxembourg serait donc en marche ? N'exagérons rien. Mais jamais en effet la Haute Assemblée, sorte d'héritière républicaine de la Chambre des pairs instaurée sous la monarchie, ne s'est laissé dominer par l'opposition à l'ordre conservateur dont elle a toujours été la vigie. Mais l'étonnement ne devrait pas provenir d'une victoire possible de la gauche dans sa diversité – socialistes et Front de gauche – à l'issue du vote des grands électeurs de quarante-quatre départements. Le vrai paradoxe, c'est que cette assemblée, censée représenter les territoires dans l'édifice du pouvoir législatif, soit encore occupée majoritairement par des amis ou obligés de Nicolas Sarkozy, bien que la grande majorité des institutions locales (régions, départements et grandes villes) soient dirigées par la gauche. C'est dire si l'accès à l'hémicycle est verrouillé, surreprésentant des zones peu peuplées au détriment des territoires plus populaires.

À quoi sert le Sénat ? Jusqu'alors à rien d'autre que de jouer un rôle de pare-feu, de défenseur jaloux du conservatisme économique et social à chaque fois que le suffrage universel a choisi une Assemblée nationale de gauche. Et curieusement, dans les périodes où la droite occupe la majorité des sièges de député, quelques sénateurs des diverses chapelles de la droite peuvent jouer à peu de frais les trouble-fête en exprimant les inquiétudes des élus locaux.

Une Vie République démocratisée, présidentialisée rouvrirait le chantier de la rénovation de nos institutions et donnerait à cette deuxième chambre parlementaire un rôle plus en phase avec notre temps. Mais sans attendre ce nouvel âge de la démocratie, les sénateurs de gauche et singulièrement les membres du groupe réunissant les communistes et les élus du Parti de gauche ont fait acte d'une résistance qui les honore et les distingue d'une masse conservatrice et réactionnaire. Personne à gauche n'attribue une signification excessive aux résultats d'une élection déformante, au second degré, en l'absence de l'immense majorité des citoyens, mais tout force à considérer qu'un changement de couleur du Sénat, avec un accroissement du nombre des élus du Front de gauche, sera un point d'appui pour résister à la politique d'asphyxie des collectivités locales, du désengagement de l'État, de la réduction des services publics.

Il n'est pas étonnant qu'un climat de panique s'empare des élus et des candidats de l'UMP en cette période de recul annoncé ou de débâcle envisagée. Et chez ces gens-là, on ne recule pas devant les coups bas ou l'injure graveleuse, spécialité dans laquelle se distingue Pierre Charon, un ex-conseiller et proche du chef de l'État, par des allusions ordurières à l'encontre de la tête de liste UMP à Paris et ministre de Nicolas Sarkozy. Décidément, après Guéant et Hortefeux, de l'injure raciste de Marleix aux propos sexistes de Charon, le personnel politique de Nicolas Sarkozy ne nous épargne rien. Pendant ce temps, dans l'autre chambre au palais Bourbon, les députés UMP soutenaient le plan d'austérité à la mode du pâté d'alouette : un cheval pour les pauvres, une alouette pour les riches. Puissent les prochains mois faire souffler le vent du changement, et pas seulement au coeur du jardin du Luxembourg.

(source l'Humanité)

  haut de page