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Mercredi 7 Septembre 2011:
Éditorial Les nouveaux conjurés Par Claude Cabanes Il y a un siècle et demi, Honoré de Balzac, le grand écrivain, qui n'était pourtant pas un foudre de révolution, constatait sans aucune fioriture : « (…) un gouvernement a toujours été nécessairement un contrat d'assurance conclu entre les riches contre les pauvres ». Une conjuration, en quelque sorte, des plus forts contre le reste du monde. Eh bien nous y revoilà ! En 2011, le monde capitaliste avance à grandes enjambées vers ce nouvel horizon : le XIXe siècle ! Les nouveaux conjurés d'aujourd'hui sont des spectres sans visage, sans âme, sans foi ni loi : ils sont inaccessibles à quelque sentiment d'humanité que ce soit et n'ont d'autre culture que celle des chiffres qui défilent à grande vitesse sur leurs écrans d'ordinateur. Ce sont les grands prédateurs des marchés financiers : les nouveaux maîtres du monde... Les petits tyrans classiques de l'histoire peuvent aller se rhabiller : c'est maîtres-là mettent à genoux les chefs d'État, les gouvernements, les Parlements, les dirigeants de toutes couleurs, d'un simple clapotis sur les machines des Bourses. Les équipes au pouvoir sont leurs esclaves. Aujourd'hui, la domination des marchés financiers sur le cerveau du président de la République, de ses ministres, et de la plupart des leaders de notre pays, prend la forme d'un immense bobard politique construit autour de la dette publique et de la soi-disant « règle d'or » à inscrire dans la Constitution. Ce bobard n'a qu'un seul but : aliéner le peuple français aux chaînes du vieux fatalisme, lui infliger la marque du talon de fer de l'austérité et contenir toute tentative de révolte générale. La fameuse « règle d'or », c'est le contrat de Balzac : la conjuration des financiers et des affairistes pour « tenir » leur argent, quitte à ramener la vie du peuple et de la société à sa plus pauvre expression. Chaque jour ou presque, le flot de l'information charrie sa part de vérité sur la crise. Ainsi, par exemple, des performances des grandes entreprises du CAC 40 que le dernier semestre a enrichi sans vergogne de 46 milliards d'euros. Cela devrait d'ailleurs donner des idées aux personnages qui règnent à l'Élysée et à Matignon : pourquoi ne pas inscrire dans la Constitution une deuxième « règle d'or », le profit obligatoire des grands groupes français ? Ainsi, aucune secousse politique, aucun choc social, aucune nouvelle étape de la crise ne les affecterait... ! Faut-il que la situation soit cruelle et insupportable pour que l'association des mutuelles françaises, par une publicité parue dans la presse (et donc dans l'Humanité), pose la question : « L'idée de créer un impôt sur la maladie, c'est une blague ? » Non. Ce n'est pas une blague : c'est un des dispositifs du plan d'austérité Fillon- Sarkozy. Et les mutualistes d'assurer très simplement « ce n'est pas en empêchant les plus modestes d'entre nous de se soigner convenablement que notre pays luttera réellement contre son endettement ». Au cours de vacances en Aquitaine, je suis tombé sur un éditorial d'Yves Harté dans le journal Sud-Ouest, pourtant peu suspect d'encourager l'agitation, qui s'alarmait ainsi de la croissance de la pauvreté révélée par l'Insee : les pauvres ne sont plus seulement les exclus, silhouettes indécises, là-bas, au loin, aux marges de la société. Qui sont les pauvres ? Écrit Harté. Ce sont nos pères, nos mères, nos soeurs, nos frères, nos fils et nos filles. » C'est ainsi : cela ne peut plus durer bien longtemps encore. (source l'Humanité)
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