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Mardi 6 Septembre 2011:

 

Éditorial

Souffle contestataire

Par Paule Masson

Et c'est reparti pour un tour. Hier, les puissants du monde ont gardé les yeux rivés sur leur écran, suspendus aux cours des Bourses européennes. En chute libre. Les banques, à l'origine de la crise des subprimes de 2008, sont de nouveau au coeur de la tourmente. Plombées par la crise de la dette grecque, leurs valeurs ont lourdement chuté.

Les forces libérales militent depuis des décennies pour un marché sans entraves. Mais quand on lui laisse les commandes, le monde court à sa perte. À chacun de ses épisodes, la crise est plus grave mais, loin de provoquer une prise de conscience collective sur les monstres que génère le capitalisme, ce sont toujours les mêmes que la mécanique de la course au profit honore. L'info est aussi tombée hier : en Grande-Bretagne, les bonus des patrons des grandes entreprises ont triplé ces dix dernières années (+ 108 % de rémunération), alors même que leurs entreprises ont perdu en moyenne 71 % de leur valeur en Bourse. Récompensés pour mauvaise gestion. Là, même la logique libérale qui récompense le mérite tourne de l'oeil !

Quelle injustice ! Les États, c'est-à-dire essentiellement les contribuables, se sont saignés à blanc pour renflouer les caisses des banques, aider les grandes entreprises à « passer le cap », afin de remettre, nous disait-on, les fondamentaux du système économique sur pied. Et patatras ! Tout recommence. Et voilà que l'on parle à nouveau de récession économique. À quoi bon, alors, se serrer la ceinture quand on ne recueille jamais le prix de ses efforts. Les inégalités éclatent au grand jour. L'opinion publique décroche. Selon une enquête Ifop, seul un tiers des Français (34 %) se déclare optimiste à l'égard de son avenir. ViaVoice, qui mesure le moral des cadres, fait état d'une chute de 30 points de son baromètre pour atteindre un niveau historiquement bas. 74 % d'entre eux anticipent une dégradation de leur niveau de vie et 78 % prévoient une hausse du chômage. Pendant ce temps, à l'Assemblée nationale, les députés UMP défendent un plan de rigueur que tout le monde a démasqué : l'essentiel des mesures seront supportées par les familles et les salariés.

D'un bout à l'autre de la planète, la confiance s'effrite nettement dans l'efficacité d'un système qui, au final, conforte les privilèges de quelques-uns, appauvrit le plus grand nombre, génère crise sur crise. Les Italiens sont appelés aujourd'hui par leur principal syndicat, la Cgil, à la grève générale contre un plan de rigueur qui prévoit l'économie de 45,5 milliards d'euros sur deux ans. Les Espagnols protestent de leur côté contre une

« règle d'or » de stabilité budgétaire gravée dans le marbre constitutionnel par une grande manifestation à l'appel de deux principaux syndicats espagnols, Ccoo et UGT.

Après les printemps arabes et leur soif de révolution démocratique et sociale, c'est au tour d'Israël d'être secoué par un mouvement d'ampleur historique. Le souffle contestataire qui s'enracine dans le pays dénonce les privilèges. La aussi, comme en Espagne, en Italie, en France, aux États-Unis, en Grande-Bretagne, ceux qui kidnappent les richesses sont sommés de partager. La roue tourne. Car, au-delà du tabou qui tombe sur l'idée de taxer les riches, on rêve qu'un mouvement plus profond soit en train de se construire. Les prises de conscience ne se font jamais en un jour, surtout quand le ciel est bas, aussi, sur la perspective d'un autre âge de la politique. Mais l'injustice est un puissant moteur de mise en mouvement et le monde en est rempli.

(source l'Humanité)

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