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Mardi 6 Septembre 2011:
Éditorial Cahots à droite Par Patrick Apel-Muller Allons bon ! Tout avait été soigneusement préparé pour donner le change, marquer l'union solide de la droite autour du président de la République, et voilà qu'en quelques heures, le vernis s'est craquelé, révélant les fractures de l'UMP. Les projecteurs se sont concentrés sur la fâcherie de Jean-Pierre Raffarin, ulcéré des attaques de l'Élysée à son encontre sur la farce de la taxation des parcs à thèmes. Cependant, les divisions sont plus profondes et témoignent du doute qui s'est emparé des états-majors de droite à l'égard de leur champion. Nul n'a encore véritablement osé contester une seconde candidature de Nicolas Sarkozy à l'élection présidentielle. Dominique de Villepin, dans l'attente du jugement en appel de l'affaire Clearstream, semble doucement faire son deuil d'un destin éclatant. Jean-Louis Borloo semble pris de vertige, peut-être effrayé par les représailles lancées par le chef de l'État et dont Dominique Paillé est la dernière victime expiatoire. Mais, sondage après sondage, rencontre avec les électeurs après réunion publique, se confirme un désamour profond avec le pays. Désormais caractérisé par une majorité comme le président des riches, le candidat de droite apparaît lesté de lourds handicaps. Faut-il s'en distinguer, parier sans tarder sur la présidentielle suivante, poignarder sans délai les rivaux potentiels ? La stratégie arrêtée au Château consiste à jouer longtemps la montre pour se lancer dans une campagne courte où jouerait à plein le statut de président sortant. Mais désormais, nombreux sont les ténors de l'UMP qui ne croient pas que Nicolas Sarkozy détienne la martingale magique qui, d'un coup de dés, fasse un coup de maître. Il prétendait apparaître en capitaine courageux, sûr de son cap dans les tempêtes économiques ; il n'apparaît capable que de se laisser pousser sous le vent des marchés. Même le pari qu'une bonne guerre ferait oublier les échecs semble perdu. Est-il vraiment cette « bête de campagne » que son entourage s'est attaché à décrire ? Le doute gagne ses troupes. L'horizon économique s'assombrit et les chiffres du chômage, pourtant maquillés en de multiples catégories, attestent de la dégradation. La chasse aux déficits à coups de réductions des investissements publics, des dépenses d'intérêt général et de solidarité et du pouvoir d'achat étouffe la croissance. Le plan d'austérité présenté cette semaine aux députés par François Fillon frappe le plus grand nombre et égratigne à peine les plus riches. Cela se voit et fait des mécontents. La réforme des collectivités locales et la RGPP menacent l'ensemble des communes, notamment les plus petites qui voient pointer la menace du désert rural. Les maires de droite ou sans étiquette la redoutent. Jean-Pierre Raffarin entend ces craquellements dans le socle conservateur et voudrait les exprimer pour empêcher un effondrement. En durcissant son discours, l'UMP voulait ramener au bercail son électorat droitisé jusqu'à l'extrême des Le Pen. Mais la cohabitation entre la droite populaire aux sorties populistes et des notables plutôt chrétiens-démocrates s'avère de plus en plus difficile, comme le prouvent les noms d'oiseaux échangés entre un Lionel Luca au plus haut de sa subtilité et Jean-Pierre Raffarin. Il n'est pas sûr que l'UMP, qui voulait tout enrégimenter dans la vieille culture godillot, parvienne à maintenir ce grand écart sans déchirures. Déjà, des pans entiers de la droite centriste se sont détachés et dérivent vers d'autres azimuts. À nouveau, Nicolas Sarkozy a fait plancher ses amis, notamment Bruno Le Maire, sur un nouveau renversement des valeurs qui ferait passer l'austérité pour de la justice. Mais les premiers tests sur la fiscalisation des allocations familiales et la réduction de l'indemnité chômage des cadres ont suscité un tollé. Pas facile de convaincre l'opinion quand on lui fait les poches. Reste à parier sur la faiblesse de l'opposition... (source l'Humanité)
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