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Vendredi 2 Septembre 2011:
Éditorial L'intérêt général sacrifié aux dividendes Par Patrick Apel-Muller Le rideau qui masquait la scène s'est effondré, Fini « les fleurs de rhétorique bordées de rosée sentimentale » qui ornaient les discours sur la dette et la responsabilité des adultes d'aujourd'hui sur l'avenir des générations suivantes. Les chiffres des profits des entreprises du CAC 40 jettent un froid, celui des calculs égoïstes. Durant les six premiers mois de l'année, leurs bénéfices net ont augmenté de 9,5 % pour atteindre 46,2 milliards d'euros. Tout va (très) bien pour le luxe (LVMH + 24,8 %, L'Oréal + 11,6 %), le pétrole (Total + 16,8 %, Technip + 17,2 %) et même l'automobile se prépare à licencier à tour de bras (PSA + 18,5 %, Renault + 56,4 %, Michelin + 32,3 %). Un grand cru se prépare pour les dividendes, de ceux qu'on savoure les yeux fermés dans les conseils d'administration. La tâche se compliquera bien un peu pour leurs fondés de pouvoir politiques qui, du haut de la tribune de l'université d'été de l'UMP ce week-end, vont pêcher de nouveaux sacrifices pour les salariés et les chômeurs. Après avoir arrêté un budget d'austérité qui pressure les familles, les premières pistes du programme de Nicolas Sarkozy prévoient la fiscalisation des allocations familiales et la réduction des indemnités chômage. Et ces bons messieurs assurent que ce n'est que justice. Tandis que les analystes prévoient pour l'oligarchie du CAC 40 des profits de 94 milliards d'euros sur la totalité de l'année 2011 (près de 10 % de hausse) et de 104 milliards en 2012, les maires de droite veulent exclure les enfants de chômeurs des cantines scolaires ! Ce ne sont que quelques fanatiques éperdus qui se livrent à cette agrégation, mais les hiérarques du sarkozysme, les Copé, Juppé, Baroin, Estrosi... Les parents sont privés d'emploi ? Ils sont déclarés oisifs et inoccupés ? Nos ministres administrent donc une sévère leçon de morale à ces chômeurs profiteurs. Tant pis si ces écoliers perdent pour beaucoup leur seul repas équilibré de la journée. Ils sont sans doute considérés comme les inévitables dégâts collatéraux de la guerre engagée contre les budgets publics. La droite veut s'appuyer sur la brutalité de la crise du capitalisme pour infliger plus de violence sociale encore. Son slogan pour demain, c'est « prélever plus et payer moins ». Et sa fameuse règle d'or est une camisole destinée à interdire à notre peuple de réagir. À la veille d'une rentrée scolaire qui s'annonce catastrophique, ajoutant encore des milliers de suppressions de postes à celles qui se sont succédé ces dernières années, c'est au coeur du lien social, chacun peut mesurer, que s'attaque la politique d'austérité. Il s'agit de réduire les dépenses publiques pour mettre ces sommes à la disposition des marchés financiers et des multinationales du CAC 40 ; l'intérêt général est immolé sur l'autel des dividendes. « S'il était aussi facile, écrivait Spinoza, de commander aux âmes qu'aux langues, tout souverain régnerait en sécurité... » Il ne suffit pas de broyer les mots et de pervertir leur sens pour duper l'opinion. Le contraste qui s'accuse mois après mois entre l'infinie richesse d'une poignée d'hommes et la précarité croissante pour l'immense majorité devient mieux perceptible. La flambée des profits devient un révélateur que néfaste pas le show annuel du Medef, réuni à Jouy-en-Josas. (source l'Humanité)
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