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Mercredi 31 Août 2011:

 

Éditorial

Les agences du Veau d'or

Par Patrick Apel-Muller

Les agences de notation ont ajouté un nouveau chapitre aux précis de démonologie. Sans doute au côté d'Adramalech à l'apparence d'un paon, président du Haut Conseil des diables et surtout grand chancelier des enfers. Des très sérieux commentateurs économiques les évoquent comme une puissance surgie d'on ne sait où et qui sèmeraient le désordre par vice et négligence, dans l'univers si rationnel des marchés. Un conte de plus pour détourner les yeux d'autres comptes, ceux des formidables gâchis engendrés par la course inlassable des capitaux. Les agences de notation ne sont pas étrangères aux marchés financiers. Elles en sont un des lobes cérébraux. Pilotées, comme nous le montrons aujourd'hui à propos de Fitch, par des représentants du CAC 40, elles ont été instituées pour réduire la part des fausses nouvelles et des escrocs dans l'univers boursier, garantir la rationalité aux fonds les plus importants et poser des rails que les États seraient contraints de suivre en matière économique. Ces institutions entretiennent les meilleures relations avec le personnel politique libéral qui trouve dans leurs carnets de notes une nouvelle Bible. Ainsi, les adorateurs du Veau d'or sont-ils devenus ceux de la « règle d'or ».

Les agences de notation ont ainsi accompagné ou guidé les marchés financiers dans leur attaque généralisée contre les dettes publiques. Le conflit d'intérêt est patent, dirait un juge. Elles n'ont d'ailleurs jamais critiqué le recours des États à l'emprunt dès lors qu'il s'agissait de secourir ou d'alimenter le système bancaire. Elles ont validé la mise en place des subprimes et les ventes à découvert. Ce qui leur est insupportable, c'est la dépense publique, ce prélèvement pour l'intérêt général qu'elles jugent dispendieux et qu'elles veulent reverser dans la marmite infernale des spéculations en tous genres. Elles décrètent indispensables de rogner sur les dépenses de solidarité ou d'éducation mais ne froncent jamais le sourcil lorsque se multiplient les cadeaux en tous genres au patronat. Ainsi quelque 30 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales patronales sont consentis annuellement et sont compensés par l'État avec nos impôts. Le cumul dépasse 250 milliards d'euros depuis 1992 sans que les éradicateurs de dettes y trouvent à redire. La règle d'or révérée par la droite vise à ligoter les élus de la nation de sorte qu'ils ne puissent plus s'opposer à l'avenir à la tutelle exercée sur l'économie par les grands fonds capitalistes et les agences de notation qui les servent. Alors que simultanément grandissent en France la pauvreté et la très grande richesse, on mesure ce que produisent ces mécanismes. Leur nuisance dépasse le cadre économique. Elles sont aussi une machine à démonétiser l'action publique, réduite à l'application de leurs sinistres prescriptions.

Elles ont l'apparence du sérieux économique, mais c'est bien tout ! Il faudrait au contraire mettre en place des systèmes de contrôle et d'évaluation soumis au débat des acteurs sociaux pour mesurer la dépense publique, lui donner l'efficacité et l'utilité maximales. Les agences de notation ne sont au fond que la pointe aiguë d'une arme brandie par les marchés financiers. C'est eux qu'il faut mater en mobilisant la création monétaire, le crédit, la fiscalité en faveur de la croissance des richesses sociales et du bien-être de notre peuple. Ainsi, les agences de notation ne deviendraient plus que de vieilles dames irascibles, confites dans le souvenir d'anciennes conquêtes.

(source l'Humanité)

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