> Presse —« J'ai envie de dire aux politiques, pillez-nous.. » |
Mardi 30 Août 2011:
« J'ai envie de dire aux politiques, pillez-nous, nous avons des propositions... » Invité par le PS à La Rochelle, Mohamed Oussedik, secrétaire confédéral de la CGT, nous dit l'urgence des luttes sociales et du débat démocratique pour sortir de la crise. Entretien Le gouvernement a rendu publiques ses mesures d'austérité. Comment réagissez- vous ? Mohamed Oussedik. Tous les gouvernements de droite depuis 2002 ont creusé les déficits. Jamais autant que depuis 2004, il n'a été offert de cadeaux fiscaux : près de 175 milliards d'euros. C'est énorme. Ainsi, la défiscalisation des heures supplémentaires aura coûté 20 milliards d'euros et empêché la création de 100 000 emplois... Ce sont essentiellement les salariés, les retraités, les citoyens privés d'emploi qui vont payer. Je pense aux mesures qui touchent la consommation, celles qui, dans le domaine de la santé, frappent les complémentaires et les mutuelles. Le gouvernement fait beaucoup de bruit autour de ce qui est censé représenter un peu d'équité, cette petite taxe sur les plus riches, mais sur le fond ce sont bien les salariés qui vont payer. Vous avez, comme invité, participé à l'université du Parti socialiste ce week-end. Quelle était votre motivation ? Mohamed Oussedik. Faire passer plusieurs messages. Le premier c'est l'urgence d'une vraie rupture avec les politiques menées depuis une dizaine d'années. Il faut remettre le travail et les salariés au centre des préoccupations du politique. En finir avec la culpabilisation du salariat, d'autant que derrière il y a un projet, celui de démanteler le modèle social français. Le second, c'était de dire aux politiques de gauche, quels qu'ils soient, qu'il fallait que des thèmes comme la revalorisation de la place du travail reprennent toute leur importance, à l'heure où la rémunération du patrimoine prend le pas sur celle du travail. Il faut aussi en finir avec la casse des fondements mêmes de notre cohésion sociale que sont la protection sociale, les services publics, nos administrations locales... Face à la crise et aux attentes des salariés, quelles exigences exprimez-vous envers les forces politiques, singulièrement à gauche ? Mohamed Oussedik. L'exigence d'une rupture avec cette politique qui fait des acquis sociaux et des droits sociaux les boucs émissaires de la crise, des variables d'ajustement pour sauver un système libéral qui prend l'eau de toutes parts. Cette volonté doit transparaître dans des propositions concrètes des politiques. Cela implique une intervention du mouvement syndical et du mouvement social de grande ampleur. C'est pourquoi nous, nous ne resterons pas l'arme au pied pendant cette campagne présidentielle. Sinon ces questions risquent de passer derrière des thématiques comme la sécurité, l'immigration ou la dette, que l'on nous vend chaque fois qu'il y a des crises ou que l'on veut nous faire payer ces crises. Tout en faisant respecter son indépendance vis-à-vis des politiques, le mouvement syndical a vocation à prendre toute sa place dans le débat public. Ce serait une erreur aujourd'hui que celui-ci, dans son ensemble, n'intervienne pas sur ce terrain avec un haut niveau d'exigence, pour savoir dans quelle société on veut vivre.
Marcher en quelque sorte sur ses deux pieds, dans les luttes sociales et dans le débat politique... Mohamed Oussedik. La démocratie a besoin du politique. Encore faut-il que le politique ne se renie pas et n'abdique pas ses engagements pris devant ceux qui lui ont donné sa légitimité. Le gouvernement abdique volontairement devant les triples A des agences de notation et les recommandations des marchés financiers. C'est dangereux. Il faut des responsables politiques qui, en France et en Europe, disent stop. Les peuples doivent prendre leur destin en main. Et l'outil pour ce faire, c'est la démocratie, c'est le vote, c'est la politique. Vous comptez sur le dynamisme sur ces deux terrains, social et politique, en cette rentrée ? Mohamed Oussedik. C'est indispensable. Il n'y aura pas un haut niveau de mobilisation sans que soient mises en débat les préoccupations des Français : salaires, chômage, Sécurité sociale, retraites, avenir de la jeunesse... Et les leviers pour répondre à ces attentes existent, par la remise en cause des cadeaux aux entreprises, en réallouant l'argent vers ce qui peut porter l'économie et développer l'emploi, en contraignant les banques à jouer, pour cela, un rôle de soutien, en créant un pôle public financier ou en sécurisant les parcours professionnels... J'ai envie de dire aux politiques : « Mais pillez-nous, on a des propositions. » Entretien réalisé par Max Staat (source l'Humanité)
|