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Lundi 29 Août 2011:

 

S'emparer du pouvoir illimité de la BCE

Par Francis Wurtz (1)

Faut-il que l'actuelle Union européenne soit moribonde et sa légitimité épuisée parmi les citoyens pour qu'un Jacques Delors, l'un des concepteurs du marché unique, de la libre circulation des capitaux, de la monnaie unique, de la Banque centrale européenne (BCE)n« indépendante »,

etc. ; en vienne à affirmer que « l'euro et l'Europe sont au bord du gouffre » et à qualifier de « gadget farfelu » une proposition solennelle de Jean-Claude Trichet, le président de la sacro-sainte BCE (il s'agit de l'idée de nommer un ministre européen des Finances doté d'un droit de veto sur des décisions des États membres) ! Ce type d'épisode en dit long sur le désarroi qui règne désormais aussi bien parmi les dirigeants de cette Union que chez les idéologues d'une construction en situation de préimplosion.

Cette situation, tout à la fois, recèle de grands dangers et peut ouvrir des opportunités à l'action pour un vrai changement. Les dangers sont évidents : celui d'une fuite en avant sans limites autres que celle de la résistance des peuples dans des politiques de régression sociale phénoménales, mais aussi, et de plus en plus, celui d'un démontage sans précédent, depuis la création de la Communauté européenne, de fondements essentiels de la démocratie et de la souveraineté, au nom de la nécessité de « rassurer les marchés ». Les « propositions » précieuses qui circulent à cet égard sont à décrypter avec soin et à combattre résolument.

Alors que les décideurs actuels perdent de plus en plus de crédibilité, qu'en est-il à présent des « opportunités » à saisir pour faire partager largement des idées alternatives ? L'exemple de la taxation des transactions financières, dont le principe est aujourd'hui retenu par ceux-là mêmes qui naguère en écartaient l'idée d'un revers de manche, est éclairant. Une fois la brèche ouverte, les luttes peuvent permettre de l'élargir toujours plus. Cela ne vaut pas que pour la taxe Tobin.

Parmi toutes les mesures alternatives en débat, certaines paraissent particulièrement rassembleuses dans le contexte présent. Citons trois pistes.

Le refus de l'austérité, tout d'abord, qui, en plus d'être profondément injuste, est à l'opposé d'une solution à la crise. La logique alternative passe par une profonde réforme fiscale ; une nouvelle politique du crédit (le crédit sélectif, favorable aux investissements créateurs d'emploi et très dissuasifs en cas d'opérations financières) ; le développement des services publics ; la responsabilisation des entreprises en matière d'emploi, de formation, de salaires, d'environnement.

La mise en cause de la toute-puissance des marchés financiers, ensuite. À cet égard, l'interdiction des paradis fiscaux et celle des instruments purement spéculatifs sont nécessaires mais pas suffisantes. Il faut le recours au pouvoir (illimité !) de création monétaire de la BCE. Celle-ci peut, en plus de l'achat des titres publics, assurer, sans risque d'inflation non maîtrisée, le financement (par prêts à des taux très faibles, voire nuls, et à long terme) d'investissements publics massifs en faveur du développement social et écologique. La constitution de pôles financiers publics va dans le même sens. De même que l'organisation d'une bataille internationale pour mettre en cause la domination du dollar.

Le troisième axe allant de pair avec tout ce qui précède est la défense de la promotion des droits démocratiques, depuis les droits d'intervention des salariés dans les entreprises jusqu'à l'exercice effectif de la citoyenneté dans la vie sociale, y compris en matière de souveraineté nationale. Cette fois, l'Europe est bien placée devant un choix de civilisation.

(1) Député honoraire du Parlement européen.

(source L'Humanité  Dimanche)

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