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Vendredi 26 Août 2011:

Hyper-riches... et hypocrites

Une dizaine de Français fortunés sont prêts à payer un peu plus, de façon exceptionnelle. Une manière de conjurer par un petit geste toute velléité de partager les richesses. Examen de la manip' avec quatre d'entre eux.

 

Christophe de Margerie

C'est totalement une vaste blague

« Taxer les patrons, pas la multinationale ! » Patron de Total, la plus grosse capitalisation boursière du CAC 40 qui réalise entre 10 et 15 milliards d'euros de bénéfices net chaque année, Christophe de Margerie est réputé dans le milieu pour son humour mordant. Et c'est un marrant, «  Big

Moustache » de son surnom, il n'y a pas de doute : un mois après la polémique sur le fait que son groupe ne paie pas un centime d'impôts sur les sociétés en France, Margerie, trois millions d'euros de salaire annuel, propose de participer, à titre individuel, à l'effort d'austérité collective. Début juillet, le patron du groupe pétrolier avait régalé l'auditoire du Cercle des économistes à Aix-en-Provence : « l'opinion publique, je la vois tous les jours et elle ne parle pas des salopards avec leurs 10 milliards d'euros de profits qui ne paient pas d'impôts en France ! Ce qui ne va pas dans notre système, c'est que les chiffres, en valeur absolue, ça ne veut rien dire : je peux gagner 100 milliards d'euros et ne pas être riche! Ce n'est pas facile à expliquer. » mais non, c'est très simple, et Total qui brûle cinq milliards d'euros pour ses dividendes chaque année pourrait bien donner quelques milliards d'euros à l'État sans devenir « pauvre » pour autant !

 

Liliane Bettencourt

c'est l'évasion fiscale qui se fout de la charité

 

En 2010, la famille Bettencourt a reçu près de 290 millions d'euros  sous forme de dividendes de L'Oréal. Détenteur de près de 31 % du capital de la multinationale de cosmétiques, les héritiers d'Eugène Schuller tirent le gros lot stratosphérique tous les ans. Et c'est sans compter, pour Liliane et sa fille, les dizaines de millions d'euros qui tombent eux aussi dans la cagnotte au titre des parts dans le capital de Nestlé ou, jusqu'à il y a peu, du bouclier fiscal. Avec les as de l'optimisation fiscale qui l'entourent, la 17e fortune mondiale (20 milliards d'euros, selon le dernier classement annuel de Forbes, la bible du Richistan planétaire) a réussi le tour de force d'être imposée à un taux équivalent à celui d'un salarié touchant 1300 euros net par mois : depuis 2007, elle a bénéficié, grâce au bouclier fiscal, d'un chèque annuel de 30 millions d'euros et, avec la suppression de l'ISF, elle pourrait ne payer que 10 millions d'euros impôts en 2011 et 2012. Prête, avec ses amis ultrariches et archi-cyniques, à verser son obole dans le cadre d'une contribution

« exceptionnelle » et

« calculée dans des proportions raisonnables » afin d'éviter

« l'accroissement de l'évasion fiscale », Liliane Bettencourt a visiblement oublié qu'elle avait des comptes  en Suisse.

 

 

 

Marc Ladreit De Lacharrière

des Jaloux, les pauvres !

Patron et détenteur de 80% des actions de la holding financière Fimalac,  Marc Ledreit de Lacharrière, à la tête d'une fortune évaluée à 700 millions d'euros, a les moyens d'être généreux, mais il reste Warren Buffet - son idole - au petit pied : dans les gazettes, celui qui, avec Fitch, l'agence de notation contrôlée par Fimalac, a largement contribué à l'emballement spéculatif sur la dette greque,  se fait le promoteur de la philanthropie à l'américaine. Preuve que c'est un chic type : il a déjà doté sa fonction personnelle à 15 millions d'euros pour aider à la

« diversité »... Mais quand on gratte, à l'instar de ces camarades archiriches, le naturel revient au galop chez Ladreit de Lacharrière : « il est possible de devenir entrepreneur en France, même si, dans ce pays, quand on réussit, c'est toujours en dépit du milieu ambiant, et non pas grâce à lui, sanglotait-il, il y a deux ans à l'université d'été du Medef. Il y a les charges sociales, le Code du travail, l'aversion au travail l'aversion pour la réussite,  la jalousie. Il faudrait changer les mentalités. Non à la diabolisation du profit, non aux décisions des politiques qui, à l'encontre des intérêts de la France, conduisent à l'exil de nos meilleurs cerveaux, l'ISF en étant le meilleur exemple ! »

 

 

 

Philippe Varin

Mini-taxe pour les riches, grands pas pour la TVA

assez peu connu dans la liste des « très riches français » qui prétendent vouloir être taxés, le patron de PSA, Philippe Varin, s'affiche de plus en plus dans les offensives patronales.  Bien représentées à la tête de l'UIMM, la fédération patronale de la métallurgie qui cherche à reprendre sa place dans le débat public  après le scandale de la

« caisse antigrève » - d'ailleurs 600 millions d'euros de fonds secrets, ça pourrait servir dans la période ? -, les équipes dirigeantes du constructeur automobile repartent à l'attaque sur le coût du travail, intolérable à leurs yeux en France et elles ont une idée de génie : passer le maximum de cotisations sociales sur la TVA et sur la solidarité nationale ! « Nous observons un coût du travail qui dérive à cause des charges, lance Philippe Varin. les Allemands ont choisi de basculer certaines charges qui ne sont pas liées au travail sur la TVA, c'est plus logique.» De son côté, la CGT de PSA Sochaux s'est livrée à un petit calcul : alors qu'un ouvrier de l'automobile peut espérer toucher 1500 euros mensuels après vingt ans d'ancienneté, son patron qui a multiplié ses revenus par deux gagne 9000 euros par jour, dimanche compris... Elle est pas belle, la vie, là-haut ?

 

 

 

 

 

Thomas Lemahieu

(source l'Humanité)

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