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Jeudi 25 Août 2011:

 

Éditorial

L'austérité à géométrie variable...

Par Patrick Apel-Muller

« Combien de crimes dont ils ont fait des vertus en les appelant nationales ! » La phrase d'Henri Barbusse s'imposait à entendre le premier ministre ressasser des appels à l'unité, voire à la solidarité, pour mettre le pays en coupe réglée. L'austérité est présentée comme le remède obligatoire à infliger au pays et, si Paris n'en est pas encore, au contraire de Berlin, à promettre la Cour européenne de justice à celui qui contreviendrait à la « règle d'or », on n'en est pas si loin... N'est-ce pas l'AFP au diapason de cette pensée unique et réglementaire qui écrivait hier : « Condamnée à l'austérité par la crise financière et une croissance révisée à la baisse notamment, la France... » « Condamnée »... Voilà la sentence que François Fillon a prononcée hier, masquant l'étendue des sacrifices imposés au plus grand nombre derrière une ponction si légère (3 %) pour la toute petite caste des très très riches, ceux qui gagnent plus de 500 000 euros par an. Pour les uns, la tempête ; pour les autres, un zéphyr ! Comme au XIXe siècle, les puissants jugent qu'il est logique de faire payer les pauvres puisqu'ils sont les plus nombreux. À quoi sert de s'embarrasser de l'impératif de justice ?

Dans le monde étroit et protégé des commentateurs en cour, nul n'a relevé, hier soir sur les antennes, que 15 millions de Français côtoient le gouffre de la misère et de la précarité à 150 euros près dans le mois. Que cette somme ne vienne à manquer et tout l'équilibre précaire d'une famille s'effondre. Les beaux messieurs du CAC 40, dont l'opération « Pièces jaunes pour le pays » a été savamment mise en scène par nos confrères du Nouvel Observateur, n'ont pas de ces préoccupations. 150 euros, ce sont à peine des pourboires laissés cette semaine aux voituriers du Fouquet's. Ils concèdent une « contribution exceptionnelle », mais, précisent-ils,

« raisonnable ». À quoi se résume « l'équitablement réparti » vanté par Valérie Pécresse...

À Matignon hier, le fil rouge de toutes les interventions présidentielles restait visible : en toutes circonstances, faire le bonheur des marchés financiers, d'abord en les assurant contre des accidents de parcours, puis en les protégeant et enfin en les gavant. Quitte à étouffer la croissance et à précipiter un pays (la Grèce en est l'exemple) dans la récession, il faut transférer l'argent public vers les spéculateurs qui jonglent sur les dettes, servir des intérêts copieux plutôt qu'investir dans l'intérêt général, le durable, la formation. Les 11 milliards d'économies et de prélèvements supplémentaires arrêtés par le gouvernement resteront donc stériles, pesant essentiellement sur les salariés et les ménages.

Cette voie est une impasse qui n'extirpera pas la crise mais, au contraire, l'installera comme un état profitable pour le capital financier. Les hommes de gauche se perdraient et avec eux leurs électeurs en se livrant à une course à l'échalote de la rigueur avec la droite. Le courage, c'est de changer radicalement de cap. Et de parier sur le développement social et solidaire.

(source l'Humanité)

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