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Dimanche 21 Août 2011:

 

Le contrat doit-il se substituer à la loi ?

Par Gérard Filoche,

Inspecteur du travail.

« Le contrat l'emportera sur la loi », entend-on parfois à gauche. Ce serait une grave erreur. Un tel aphorisme doit rester enregistré au florilège de la droite. Chirac avait déjà défendu ça devant le Conseil économique et social. Nicolas Sarkozy avait vanté cette suprématie du contrat sur les lois dans ses discours électoraux en 2007. Laurence Parisot et le MEDEF défendent depuis 1998 cette hiérarchie des normes en faveur du contrat sur la loi (ce qui ne les empêche pas d'applaudir à toutes les lois réactionnaires en matière de droit du travail votées par l'UMP depuis 10 ans).Le MEDEF y voit un moyen de paralyser une future majorité parlementaire de gauche pour qu'elle ne puisse pas légiférer souverainement sur le droit du travail et le droit social (comme c'est prévu par l'article 34 de la Constitution) ni remodeler ce qui a été passé à l'acide dans le Code du travail depuis un certain 21 avril 2002 et le 6 mai 2007.

Après 10 ans de lois de la droite qui ont codifié, malaxé, élagué largement le Code du travail, si la gauche se met à promettre de ne pas légiférer pour le reconstruire, où va-t-on ?

Un « contrat » est un accord qui implique les « partenaires sociaux », donc le MEDEF. Si ce dernier signe, c'est un contrat, une convention, un accord. Si ce dernier ne signe pas, c'est un conflit, une carence, un blocage.

Bien sûr il pourrait exister une synergie entre la loi et le contrat : « autant de contrats que possible, autant de lois que nécessaire ». Mais le MEDEF a démontré depuis 10 ans son obstination à ne rien céder à la majorité écrasante des salariés, ceux-ci recherchent donc légitimement à se faire entendre et soutenir par une majorité politique de leur choix.

S'il n'y avait pas eu de telles majorités politiques, les salariés n'auraient jamais eu les 40 heures, les 39 heures, les 35 heures, le SMIC, les congés payés, la retraite à 60 ans, la Sécurité sociale, les prud'hommes, la médecine du travail, etc.

Si une majorité de gauche subordonne la loi au contrat, le patronat gardera toutes les cartes en main pour imposer sa volonté.

Le MEDEF ne signera plus rien qui lui déplaît, ou bien attendra qu'un ou des syndicats de salariés peu regardants fassent des concessions, renoncent à des droits, pour que la « négociation » aboutisse comme il le souhaite.

La majorité du Parlement élue démocratiquement au suffrage universel se paralyserait par la volonté du législateur... de ne pas légiférer.

Si le « contrat » devenait prédominant, ce ne sont ni la règle de la majorité, ni la démocratie, ni la République qui l'emporteraient, mais le MEDEF;

(source L'Humanité Dimanche)

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